Il était inéluctable que l'auteur de théâtre français contemporain le plus joué au monde, Florian Zeller, passe un jour ou l'autre derrière la caméra pour adapter l'une de ses pièces à succès. Le choix du Père s'imposait et avec l'aide de Christopher Hampton au scénario, excusez du peu, le projet avait toutes les chances de déboucher sur un succès. Vu l'accueil reçu à Sundance puis les 6 nominations aux Oscars, les espérances de Zeller se sont réalisées. Le sujet est fort, un voyage dans l'esprit confus d'un homme aux prises avec une démence progressive, et l'exercice est de haut vol, magnifié par un stradivarius nommé Anthony Hopkins, d'une perfection absolue. Ce "jeu" constant entre la réalité et les déformations de la conscience d'un esprit malade est parfaitement exécuté, prenant à témoin le spectateur qui doit faire lui-même le tri entre ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. Une gymnastique intellectuelle qui rappelle celle imposée par l'extraordinaire Providence d'Alain Resnais, à la seule différence que ce dernier était du pur art cinématographique alors que The Father ne s'affranchit pas, volontairement, de son origine théâtrale, malgré une mise en scène déliée où champs et contrechamps alternent. La manière de Zeller tient donc son public à distance, sentiment renforcé par une pudeur affichée, de peur sans doute de verser dans une trop grande sentimentalité. Sur le thème de "Il faut bien que vieillesse se passe", avec douleur, mélancolie et déréliction, The Father est impeccable et brillant mais il y manque, peut-être un brin d'humour, de fantaisie et d'audace pour emporter davantage et bouleverser.

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le 31 mars 2021

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