"Vous allez voir: il essaie d'être drôle, c'est pathétique !"

"Vous allez voir: il essaie d'être drôle, c'est pathétique !"


Cette réplique du Dîner de cons français résume assez bien son adaptation américaine.
Car l'humour est forcé, le sourire crispé, dans ce show à la Carell qui se prend pour Sellers. De bons gags mais rien d'authentique. Jusqu'au fou-rire forcé de l'équivalant américain de Cheval qui fait plus froid dans le dos qu'il ne communique l'hilarité.


The Dinner est presque la preuve de ce que sont les comédies américaines: des films glauques, scatophiles, obsédés du radada. Les américains ne savent pas faire rire, ils savent faire pleurer.
Témoin ce François Pignon, que nous appellerons Barry, qui troque les miniatures en allumettes contre la taxidermie sur rats crevés. S'il a tout du psychopathe gênant, c'est parce que le curseur du film s'axe sur sa vie vide depuis le départ de sa femme, sur sa tristesse d'artiste qui en fait un génie ignoré des crétins de la Finance. Le monde presque burtonien qui livre son intériorité s'illustre jusque dans le générique d'introduction où une musique aigre-douce fait vite oublier le comique de Brassens. Comme si Weber avait choisi Derniers baisers de C. Jérôme en fait et place de Quand on est con, on est con.


C'est d'ailleurs Weber qui produit ce film au côté de Sacha Baron Cohen, Jay Roach à la réalisation: une adaptation du Dîner de cons par son réalisateur épaulé par celui de Borat et de celui d'Austin Powers.
L'un des points intéressants de ce film réside dans ce sentiment que l'on a parfois du côtoiement de l'humour scolastique de Weber avec les thèmes chéris de Roach: le caractère de l'emmerdeur placé dans un monde où l'on parle fesse sans élégance, où l'on tranche des doigts, où l'on se dispute avec des chats. On s'attendrait presque à voir débouler Villeret dans un dîner de famille des Fucker-Burns hurlant "Yeah ! Shaggy Baby !"


Le réel point fort, c'est Paul Rudd.
Car Steve Carell, après avoir tué le Max la menace de Don Adams, cabotine à composer une sorte de Villeret américain. Bruce Greenwood, qui aurait été un parfait Juste Leblanc, se demande ce qu'il venait faire dans cette galère. Zach Galifianakis (Very Bad Trip) est à mille galaxies de Daniel Prévost dans son rôle fusion de Cheval et de Jean-Patrice Benjamin: il préfère jouer les Eric Antoine que les amateurs de planches à voile. Jemaine Clément s'abandonne dans un rôle fusion de Juste Leblanc et Pascal Meneaux qui semblera plutôt l'enfant que Julien Doré et Jason Momoa auraient eu un soir de beuverie sous acide. Lucy Punch, abonnée aux rôles de grandes cruches blondes, se démarque peut-être dans le rôle d'une Marlène Sasoeur plus déjantée que l'originale.
Reste donc Paul Rudd, désormais célèbre pour Ant-man, qui est un parfait Thierry Lhermitte à l'américaine, tant dans les mimiques que dans l'authenticité du jeu. Le seul à distiller avec virtuosité tous les sentiments contradictoires du film.


Contradictoires car, comme le film français, The Dinner est un film qui passe un message. Ici, le message est plus classique et cher à Jay Roach: les loosers sont les réels vainqueurs.
Ce qui fait que The Dinner est très bon lorsqu'il cherche à émouvoir, à faire des noeuds dans les gorges mais pitoyable lorsqu'il cherche à faire rire.
Pour le rire, il suffit de souligner la transposition de "Allez l'OM !": l'excellent gag de supporters de foot français devient un vomitif et méprisable énième gag de fesse: "Je veux croquer ta grosse prune !"
Nullissime ! Insultant ! Triste.
Pour l'hégémonie du tristounet, on désignera la scène du dîner, la scène des pieds dans l'eau, du Pignon perdu dans son petit village de rats empaillés, par exemple. Les scènes sont nombreuses.


L'originalité de ce Dîner de cons américain, outre l'esprit Roach et les fusions de rôles, c'est le dîner. Ou pour mieux dire le dîner raté, le déjeuner infernal et le dîner de cons. En effet, l'histoire se déroule sur deux jours plutôt qu'un soir et la soirée d'empêchement du dîner se déroule la veille du dîner, le Pignon américain se trompant dans la date. De plus, le Brochant américain n'est pas un PDG d'édition mais un employé de banque, ce qui permet de poser un important déjeuner d'affaire entre les deux soirées. Un repas de travail qui, bien-sûr, va tourner au vaudeville. Enfin, le dîner de con, absent de la version française, est mis en scène dans la version américaine. Mais y gagne-t-on vraiment ?


Pas vraiment car les américains ont un humour bien lourd qui peine à s'inscrire dans l'ingénuosité efficace du film français. Qu'il se ré-emparent de scènes présentes dans Le Dîner de cons ou qu'ils en ajoutent, rien ne fait mouche, tout peine à convaincre.
On aura moins de mal à croire que Pignon réponde au téléphone que de croire à ce Barry qui se permet de chatter sur le fil privé de son hôte. On aura plus de mal à croire à la chasse au culs pour reconnaître la Marlène américaine que le qui-pro-quo Pignon-Christine Brochant. On préfèrera ne pas voir le dîner que voir un festival de gags burlesques, trop éloignés du réel qu'exige la comédie originelle. Le spécialiste des boomerangs qui décapitent des kangourous à 50 m au ventriloque qui drague tout le monde avec sa poupée ou l'escrimeur aveugle qui met le feu à la maison.


En somme, The Dinner pourrait être un petit film ricain de Jay Roach sympathique quoiqu' oubliable s'il n'avait pas la prétention d'adapter Le Dîner de cons. Mais cette prétention le plombe.
A voir en oubliant - temporairement - Le Dîner de cons.

Frenhofer
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le 18 mai 2019

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