Il fut un temps où le cinéma hollywoodien raffolait d’un (sous)genre, le buddy movie.

Remis au goût des 80’s par 48 heures, ce genre de film policier à tendance punchy et humoristique, caractérisé par la mise en présence de deux héros très différents (généralement ils ne peuvent pas se blairer au début et finissent le film en bons potes) aura été popularisé par les succès fracassants du Flic de Beverly Hills en 1984 et surtout de L’Arme fatale en 1987.

En 1989, Stallone est LA star du cinéma américain. Il vient d’aligner quatre Rocky et trois Rambo, de vaincre le plus redoutable des soviétiques à la boxe et de venger son pays en gagnant à lui seul la guerre du Vietnam et en boutant les soviets hors d’Afghanistan. Qui plus est, il a aussi rencontré quelques succès de plus (Cobra) ou moins (Over the top, Haute sécurité) grande importance. Bref, c’est à lui-seul une véritable machine de propagande pour l’Amérique reaganienne.

Au fait de sa gloire, l’acteur est néanmoins jaloux de la concurrence grandissante de la machine de guerre Schwarzenegger, et regrette un peu d’avoir refusé Beverly Hills Cop lorsque le premier rôle (alors très différent de celui qu’on connait) lui fut proposé et qu’il le déclina au profit d’Eddie Murphy, de sa tchatche légendaire et du personnage d’Axel Foley que la star du SNL a créé. Après avoir voulu se rattraper avec son nanardissime Cobra qui reprenait des éléments de son propre script de Beverly Hills Cop (d’où une allusion au film de Sly dans Le Flic de Beverly Hills 2) et pompait allègrement l’affiche de Terminator, Stallone s’engagea dans le vague projet d’un buddy movie au script inachevé, dont il devait partager la vedette avec la star montante Patrick Swayze (une façon de répondre au Double détente avec Schwarzenegger et James Belushi). Le projet prenant du retard, Swayze s’en ira squatter sa Road House et le rôle de co-vedette sera finalement proposé à une autre star montante (et pourtant dans le métier depuis plus longtemps que Stallone). Un acteur rendu célèbre par ses trois films tournés sous la direction de John Carpenter, Kurt Russell. A peine sorti du thriller glamour Tequila Sunrise, où il partageait la vedette avec Mel Gibson et Michelle Pfeiffer, Russell voit là une belle occasion de se faire une place dans le cinéma d’action tout en changeant de registre en jouant un héros cool et vantard, plus proche de Jack Burton que de Snake Plissken.

Mais la production de Tango et Cash fut un véritable bordel, entre un scénario non finalisé et réécrit au jour le jour, des producteurs qui ne savaient pas ce qu’ils voulaient, la mésentente entre le très exigeant Jack Palance et Stallone, l’éviction du chef op Barry Sonnenfeld (futur réalisateur de Men in Black) puis celle du réalisateur Andreï Konchalovski (qui souhaitait en faire un polar plus sérieux), remplacé au pied levé par Albert Magnoli.

Le résultat, c’est ce drôle de film. Une sorte de semi-nanar mal structuré, bourré d’incohérences, de facilités et bouffant un peu à tous les râteliers (le scénario pioche allègrement dans le complot judiciaire, le film carcéral, le buddy movie et le high-tech movie bien kistchouille). Un film à l’équilibre tonal particulier, à la fois très drôle et particulièrement violent, porté par un duo de stars à l’alchimie évidente à l’écran (les vannes fusent, les morts pleuvent, la testostérone explose).

En fait, Tango et Cash c’est un grand pot pourri de tout ce qui était à la mode dans les années 80 (hormis la SF… et encore), annonçant à lui seul l’ère superficielle des Fast and Furious et autres Hobbs and Shaw, bourrés de punchlines, de bourre-pifs et d’egos virils démesurés.

C’est aussi (en vrac) le second film de Teri Hatcher, la queue de cheval du réplicant Brion James, la gueule rondouillarde du « Maniac Cop » Robert Z’dar, un grand méchant fana de télévision joué par le vieux cabotin Jack Palance, le score très « axel foleyien » d’Harold Faltermeyer et un acte final directement pompé sur un mauvais shoot/beat'em all de Master System (course-poursuite en voiture, dézingage d’une armée de véhicules de guerre, l’entrepôt de Perret comme final level, les sous-boss, le boss final, le compte à rebours avant explosion…).

Mais Tango et Cash, c’est avant tout une formidable collection de vannes et de punchlines, balancées par deux superflics que rien n’inquiètent et qui se paient volontiers la gueule de leurs ennemis. Stallone en profitera d’ailleurs pour répondre à son rival Schwarzenegger, ce dernier l’ayant provoqué un an auparavant dans la comédie Jumeaux (là aussi un duo de stars) où il se moquait ouvertement de la musculature trop sèche de Stallone sur une affiche de Rambo 2. Ce dernier lui répond donc à travers la vanne qu’il envoie au géant Robert Z’dar (Kurt Russell en parlant du personnage de R. Z’dar : « Tu connais mon ami le capitaine couille molle ? » , Stallone à R. Z’dar : « Oh oui ! J’vous ai adoré dans Conan le barbare ! »).

En revanche, la star de Rambo ne répondra pas à la petite pique que lui avait adressé Eddie Murphy dans Le Flic de Beverly Hills 2 deux ans plus tôt (le film faisait du personnage de Billy Rosewood un fan pur et dur de Stallone dont le domicile était remplie d’affiche à sa gloire).

Et pour finir, Tango et Cash en France, c’est la voix de Richard Darbois, toujours génial même quand il doublait Stallone. Ses intonations moqueuses, son magnifique « C’te queue de cheval, ça te fait vraiment une sale gueule », sa petite contribution au contrôle des naissances… Darbois n’avait pas encore eu l’occasion de doubler le génie d’Aladdin mais il était déjà génial, sa voix grave et malicieuse ajoutant beaucoup à l’aura des stars qu’il doublait alors : Stallone, Swayze, Gere, Clooney et même Thomas F. Wilson/Biff Tannen dans la trilogie Retour vers le futur.

Bref, pour en revenir à l’an de grâce 1989, ce fut une année hollywoodienne historique où le Batman de Tim Burton explosa le box-office. Ce fut l’année d’Indiana Jones et la dernière croisade, d’Abyss, de SOS Fantômes 2, de Retour vers le futur 2, de L’Arme fatale 2, de Permis de tuer, de Star Trek V, de Black Rain, de La Guerre des Rose, de Né un 4 juillet, du Cercle des poètes disparus, de Turner et Hooch

Et ce fut aussi l’année de Tango et Cash.

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le 31 juil. 2023

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Buddy_Noone

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