25,4x44mm. C'est le format (standard) d'un Post-It. Mais c'est surtout le format sur lequel a dû tenir ("recto-verso qui plus est" aurait dit Dr Ross G.) et doit tenir la plupart des scenarii de Luc Besson. Car disons-le sans circonlocution: le pouvoir d'attraction/révulsion de Luc Besson est immense. Attraction indéniable quand on sait qu'il est le réalisateur français qui s'est encore le mieux exporté en 2014. Qu'à l'heure actuelle près d'une trentaine de ses projets sont en cours de production et vont donc inonder le marché cinématographique. Pas mal donc quand on est ni Warner, ni Universal. Mais révulsion quand on connaît l'insignifiance de la plupart des pitchs et/ou le manque de consistance de ces longs-métrage. Peut-être aussi mauvaise foi, non pas par jalousie pour sa réussite, mais avec cette impression de gâchis et d'inaccompli au moment d'observer la filmographie de Luc Besson.

"Taken 3" n'échappe pas à la règle. Et pour tenter de cerner au mieux l'essence-même du succès de ces films, il fallait donc voir "Taken", "Taken 2". Alors au moment de sortir du film, après avoir surpris mes voisins de salle à rire devant la somme d'incohérence et de situations plus invraisemblables les unes que les autres, un sketch m'a traversé l'esprit. Oui, un peu comme une convocation soudaine, voilà que l'une de mes sources humoristiques les plus "fidèles" fit une intrusion dans mon (pauvre) esprit. Ce sketch avait un gimmick, une phrase-clé issue d'un sketch antérieur. Il me suffit d'en entendre les premiers mots pour partir dans un long fou rire. Il me semble que cela sonnait comme "quelle est la différence entre le bon et le mauvais hard-rock?". En somme, c'est un peu pareil au moment de comparer un film d'action avec un film d'action made in Besson.

Au fond, on ne sait jamais pourquoi mais c'est forcément moins bien. Après avoir éculé le thème du kidnapping, de la revanche, "Taken 3" s'aventure sur le terrain du "seul contre tous" et de l'évasion pour prouver son innocence. Une variation certes mais qui n'oublie pas de solliciter (encore une fois) les mêmes ressorts. Quand j'étais petit, cette somme de répétition portait le nom de série et au cinéma on appelait cela un film à suite. Aujourd'hui, la terminologie de "franchise" a pris le pas. Et jamais ce terme n'a aussi bien porté son nom au regard de "Taken 3".

L'utilisation du post-it a un bénéfice: il oblige à la brièveté, à du condensé, du court mais percutant (sinon il faut prendre un autre post-it malheureux!). Et vu que l'on en est au 3ème post-it, pas besoin d'écrire de nouveau ce qui a si bien marché: pourquoi se priver de scènes de téléphone, de plans serrés dissimulant assez mal la doublure de Liam Neeson, de phrases dites et redites par notre héros? Après tout, si dans "Taken" et "Taken 2" les courses-poursuite en voiture ont tant marché, que les 1 contre 5 sont restés mémorables, pourquoi ne pas nous resservir une troisième fois ces plans?

Mais ne soyons pas de mauvaise foi. "Taken 3" est l'occasion de voir de la nouveauté. En premier lieu, des nouveaux méchants. Là aussi, sont-ce les méfaits et/ou bienfaits de la mondialisation, néanmoins il me sera impossible de discerner des traits de caractère spécifiques, l'uniformité (par le bas?) l'emportant sur tout le reste. Aussi, que le méchant soit Albanais dans "Taken" et "Taken 2" ou Russe dans "Taken 3", tous ont des tatouages, des armes et "quand ils voient quelque chose, ben ils tirent" (mal de surcroît). Ah si, ils ont un traitement différent de la gent féminine. Quand l'Albanais, selon la vision du film, fait de la traite de femmes devenues, malgré elles, des prostituées, le méchant Russe aime barboter dans son jacuzzi avec deux femmes (le tout affublé d'un slip d'un goût très incertain).

En second lieu, on pourrait invoquer le personnage de Forest Whitaker, sorte de (lisez bien, sorte de) Tommy Lee Jones millésimé 1993 "Le Fugitif" . Voilà je l'ai écrit. Mes phalanges ont saigné de l'écrire (autant pour M. Whitaker que pour ce parallèle avec "Le Fugitif"). Appréciez tout de même "l'effort" d'Europacorp pour donner du corps à son personnage. Pour cela rien de plus simple: l'affubler d'une pièce d'échec lui permettra d'accentuer ce côté cérébral, spirituel et tacticien. Ensuite, pour lui adjoindre ce soupçon d'impatience, affublons-le d'un élastique...n'en jetez pas plus, surtout quand le personnage avoue au terme du film, comment il a su élucider l'enquête...en somme, ce personnage ne peut même pas être considéré comme l'arbre cachant la Forest (sic)...

Idem pour Liam Neeson; plus proche de Leslie Nielsen dans une parodie de film d'action que dans un film musclé. Retenir mon rire fut une épreuve face à la course poursuite entre un Liam Neeson (62 ans) et une voiture de police. Et si "Taken" et "Taken 2" abusaient de séquences au ralenti pour "magnifier" les scènes de combat (depuis "Walker Texas Ranger" mes yeux n'avaient plus eu ce privilège), "Taken 3" use et abuse de zoom, plans rapprochés pour mieux dévoiler le doublage du héros. On remerciera aussi "Taken 3" pour la profondeur donnée à Famke Janssen. Après avoir été une "Goldigger" dans "Taken" puis "celle qui regrette" dans "Taken 2", "Taken 3" nous offre une autre palette de son personnage avec une scène à mi-chemin entre un dialogue d'un film érotique et un bon vieux "Sissi". A ce titre, c'est peut-être le personnage de Kim qui connaît la plus forte "progression" passant de la sprinteuse en basket de "Taken" à une jeune étudiante, femme en devenir...et enceinte.

Bien sûr, il ne s'agit pas de "se faire" gratuitement une œuvre mais bien de comprendre comment à partir d'ingrédients réutilisés et pourtant si mal utilisés, d'une intrigue dépourvue de suspense (grosso modo: kidnapping/meurtre -> boum -> bagarre -> combat contre méchant -> fin le tout enrobé dans une musique très zimmerienne cf. la bande-son des 15 dernières minutes du film), "Taken" a pu devenir une franchise si lucrative. Il ne s'agit pas de remettre en cause le principe de revenus générés par des entrées mais à l'issue de cette séance, aucun élément ne me permet de saisir le succès de "Taken 3". Et ce n'est pas par prétention que j'avance ces arguments ni même dans le but de faire un procès à charge contre un genre qui m'a procuré des moments inoubliables. Néanmoins, compte tenu de sa légèreté plus qu'apparente, "Taken 3" (et ses devanciers) sera à ranger, selon moi, parmi les mystères du cinéma: plutôt adapté pour être une mini-série, usant de procédés mal maîtrisés et répétés à outrance, suscitant le scepticisme face à la galerie de personnages présentée (au fond qui est Bryan Mills?), un certain étonnement a traversé mon esprit quand beaucoup s'interrogeaient sur l'opportunité d'en faire un quatrième voire un reboot...
RaZom
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le 31 janv. 2015

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RaZom

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