Marco Berger et Martin Farina savent filmer les corps, l'un par le biais de la fiction, l'autre par celui du documentaire. Leur association pour la réalisation de Taekwondo sonne alors comme une évidence tant le film oscille sans cesse entre le fantasme et le docu-fiction.
La situation de départ, toute simple, consiste à placer ensemble sept jeunes hommes dans une grande maison plutôt cossue, en plein été, et de les regarder vivre, s'amuser, plonger dans la piscine, dormir, discuter. Ils se connaissent depuis l'enfance, le lycée parfois, et s'ils sont engagés dans la vie adulte, ils se comportent encore comme des adolescents, principalement lorsqu'ils sont entre eux, sans copines, sans regard extérieur.
Le film fonctionne d'abord comme une captation érotique. La caméra installe dès le départ un climat sensuel qui puise tant dans les clichés gays (garçons partageant les douches et se promenant le plus souvent quasiment nus) que dans le comportement décomplexé de beaucoup d'hétérosexuels entre eux (surtout s'ils sont jeunes et sportifs). L'arrivée d'un ami de l'hôte, dont l'homosexualité est vite sue (mais pas dévoilée aux autres personnages), qui pourrait être celle du loup dans la bergerie, fonctionne davantage comme un révélateur.
Si la relation entre les deux personnages principaux, Fernando et German, constitue le fil rouge du film, la narration semble s'articuler sans enjeu et construit ce qui ressemble à un feuilleton documentaire. Les amis plaisantent, parlent beaucoup, de filles mais aussi de politique ou de sport. Sérieux ou pas, ils donnent à voir comment fonctionne un groupe, quels sont les rapports de force et les faiblesses, de quelle manière les uns se confient aux autres. La justesse du regard porté, comme si le film devenait une étude sociologique, n'écartant pas blagues sexistes et homophobes, s'associe à une caméra captivée par les peaux, les poils, les sexes, pour donner corps à une représentation érotique plus nourrie, plus complexe, forcément plus troublante.
Jamais brutal ou agressif, Taekwondo donne à ressentir la langueur des jours d'été quand il n'y a rien d'autre à faire que ne rien faire. Cette douceur ajoute à l'érotisme ambiant et désamorce toute possibilité de conflit entre les personnages. Si certains doutes s'installent, si certaines rivalités se révèlent, la narration les traite avec nuance et parvient à leur donner sens sans détruire l'équilibre qu'elle a mis en place.
Entreprise plus ambitieuse qu'il y paraît, sorte de plongée au cœur de l'homoérotisme, le film de Marco Berger et Martin Farina aurait mérité une sortie en salles.