Sweat est une plongée réussie dans le paradoxe de l’influenceur sur les réseaux sociaux : le nombre de fans ne pallie ni le vide ni la solitude, bien au contraire.


Quel est le point commun entre les « J’aime » cumulés par nos publications sur Instagram et un effort physique ? Une grosse décharge d’endorphines à laquelle il est possible de devenir addictif. Sylwia Zajac y est exposée sur tous les fronts : cette coach de fitness jouit d’une grande popularité sur les réseaux sociaux, grâce à l’enthousiasme et au panache de ses séances d’entrainement suivie par des centaines de milliers de fans. Elle est une influenceuse qui vend son mode de vie. Difficile dès lors de distinguer vie privée, professionnelle et intime qui oscille entre euphorie et vide existentiel.
Ce qui frappe au premier coup d’œil dans Sweat, c’est l’omniprésence des images reflétées, qu’elles soient dans des miroirs ou des écrans. Ces cadres enferment le personnage de Sylwia dans une prison dorée où la qualité des relations humaines est inversement proportionnelle aux nombres de followers. Présenté sous cet angle, Sweat aurait tout de la satire facile de l’individualisme exacerbé par l’hyper-connectivité et la soif de gloire. C’est sans compter sur le talent du réalisateur Magnus Van Horn, un suédois établi en Pologne depuis ses études de ciném. Comme un pied de nez aux filtres lissant et déformant les visages abondamment utilisé sur les réseaux sociaux, sa caméra nous embarque au plus près de ce personnage, sans fard ni concession. Et c’est là qu’intervient la révélation Magdalena Kolesnik, parvenant à rendre complexe et attachante une starlette qui aurait pu vite sombrer dans la caricature. Elle dévore l’écran tant dans les scènes de performances sportives que dans les scènes intimes. Il y a notamment un repas de famille particulièrement malaisant qui dégage une sincère mélancolie où tout se joue dans l’implicite et les non-dits. Sweat n’est pas une critique de la culture Insta mais plutôt un questionnement pertinent et tout sauf manichéen sur ces personnages qui se mettent en scène telle une téléréalité 2.0. A une époque où la vie de chacun peut se transformer en divertissement vidéo, on sent bien que le réalisateur questionne également son propre rôle, à l’image de l’emblématique Palais de la culture qui se reflète furtivement sur les récents gratte-ciels de Varsovie.


Dans un monde parallèle, Sweat aurait dû être présenté à Cannes en 2020 et y aurait sûrement remporté un franc succès critique et médiatique. Mais on est en 2021 et les salles de cinéma (et de fitness) sont restées fermées pendant de long mois. La sortie du film un an plus tard dans la confidentialité d’une timide réouverture est donc une opportunité bienvenue pour se remettre au cinéma… et à l’activité physique.

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le 6 mai 2021

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