Avec cette étrange histoire vraie d’un homme qui affronte ses traumas dans un monde imaginaire composé de figurines playmobiles, on espérait un retour en grâce de Robert Zemeckis. Après avoir réalisé plusieurs grands classiques tels que Retour vers le futur, Forest Gump ou encore Seul au monde, il était tombé en disgrâce artistique depuis une quinzaine d’années. C’est malheureusement raté, mais pas inintéressant.


Le film s’ouvre sur une scène surprenante dans laquelle Mark Hogancamp revit la terrible agression dont il a été victime. Alors qu’il s’est fait tabasser par des néonazis à la sortie d’un pub, il met en scène cet assaut… dans un monde fait jouets représentant un village fictif de Belgique pendant la seconde guerre mondiale. On se dit qu’on tient ici le matériau idéal pour Robert Zemeckis. Ce dernier avait déjà superbement traité l’isolement mental et physique dans Forrest Gump et Seul au monde. On connait aussi le bonhomme pour son amour des effets spéciaux, notamment la virtualisation des acteurs qu’il avait abordée dans Le Pole Express, Beowulf et Le Drôle de Noël de Scrooge. Le réalisateur a en effet horreur des contraintes physiques régissant le positionnement de la caméra et préfère scanner ses acteurs afin de les projeter dans un univers virtuel lui laissant toutes les libertés possibles, mais au rendu visuel très lisse et dénué d’âme. À Marwen, il a donc l’occasion de combiner prises de vue réelles pour dépeindre le quotidien de Mark et sa technique de transformation des acteurs en avatars virtuels pour les scènes du monde des figurines. Quand Mark met en scène ses poupées derrière un objectif d’appareil photo, on comprend dès lors que Zemeckis nous parle de lui à travers ce personnage fétichiste et obsessionnels. La mise en abîme est totalement révélée quand on constate que la femme de Robert Zemeckis joue le petit rôle d’une actrice pornographique sur laquelle Mark fantasme et que la scène finale est un remake de Retour vers le futur.


Si l’autoportrait de Zemeckis est fascinant, Marwen n’en reste pas moins un film raté. Malgré une réalisation virtuose, la présence de la scénariste d’Edward aux mains d’argent et un superbe thème musical d’Alan Silvestri, la narration de la convalescence de Mark ne fonctionne pas. Les scènes de la vie réelle sont peu passionnantes et cousues de fil blanc alors que les scènes du monde imaginaires sont frénétiques et répétitives. On voit bien une tentative de dépeindre Mark (et donc Zemeckis) comme un personnage complexe – il se présente comme un féministe, qui pourtant fétichise les femmes en jouet –, mais ce portrait est maladroitement construit, la faute à un manque de fluidité dans l’histoire et des acteurs au jeu parfois malaisant. Finalement, Marwen est à Robert Zemeckis ce que The House that Jack Built est à Lars Von Trier : une mise en abîme touchante de sincérité, non-dénuée de maladresses mais qui parlera surtout aux initiés. À ceux qui s’intéressent à cette drôle d’histoire, on proposera plutôt l’excellent documentaire Marwencol, tourné en 2010 et mettant en scène le véritable Mark Hogancamp.

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le 4 janv. 2019

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