J'aurais pu avoir de la classe, j'aurais pu être un champion.
J'aurais pu être quelqu'un au lieu de n'être qu'un tocard,
ce que je suis, il ne faut pas se leurrer.



En signant Sur les Quais, Elia Kazan propose une oeuvre forte sur un homme qui aura encaissé les coups toute sa vie jusqu'à ce que la culpabilité le hante, le fasse changer pour mieux affronter ses démons et ceux qui ne l'ont pas respecter.


Sur Les Quais, c'est d'abord l'une de mes premières claques, un uppercut en pleine poire pris très tôt, lorsque je commençais à approfondir le cinéma, et je suis de suite tombé amoureux de l'art selon Elia Kazan. C'est un cinéma vivant, qui provoque des émotions et nous fait réfléchir, il n'hésite pas à y aller fort, de n'est parfois pas loin de l'excès, mais de provoquer un élan en nous, de nous interroger ou encore de nous émouvoir.


Ici, il brasse plusieurs thématiques comme la loyauté, la fraternité, l'hypocrisie ou encore la trahison et il cache derrière cette oeuvre sa propre culpabilité lorsqu'il dénonça ses anciens camarades communistes, chose qui l'a suivi jusqu'à son dernier souffle. Il bénéficie ici d'une remarquable qualité d'écriture que sa caméra sublime à chaque mètre de pellicules, alors qu'il se concentre sur Terry, dont ses sentiments sont constamment incertains et devant faire face à de nombreux dilemmes, Kazan le sublime, on s'attache à lui, et les liens qu'il développe avec les autres personnages sont aussi passionnants et bien ficelés.


Avec Sur Les Quais, il étudie aussi le fonctionnement des syndicats, accentué par le rejet que va subir Terry. Il parvient à créer une atmosphère sombre et glaçante et surtout, il donne une véritable dimension dramatique, poignante et intense à son film. Il fait de cette histoire un reflet de la société américaine de l'époque, en plus de la dimension personnelle que l'on y trouve, sublimée par une superbe photographie en noir et blanc.


Et bordel, mais quel acteur Marlon Brando. Il montre, à nouveau, à quel point c'était un extraordinaire comédien, il fait oublier l'acteur et rend son personnage vivant et profond, jouant de son charisme pour aussi le rendre émouvant. Il démontre un implacable savoir-faire dans ses limites avec le sur-jeu, il n'en est jamais loin mais en tire une implacable force. Face à lui, Eva Marie Saint, Karl Malden ou encore Lee J. Cobb sont eux-aussi remarquables, sachant chacun exister à côté de la bête qu'était Brando.


En soignant ses démons, Elia Kazan prend aux tripes et signe avec Sur les Quais une oeuvre d'une rare puissance, bouleversante et intelligente et qui me met un imparable uppercut en pleine poire à chaque vision.

Docteur_Jivago
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes 111 pour l'éternité, Elia Kazan - Le dernier Nabab, Une année, un film !, Mes Années 1950 au cinéma et Plongée dans les polars américains

Créée

le 20 avr. 2014

Critique lue 1.4K fois

31 j'aime

7 commentaires

Docteur_Jivago

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

31
7

D'autres avis sur Sur les quais

Sur les quais
Vincent-Ruozzi
9

Le film aux 8 oscars

Sur les quais la vie est dure. Chaque jour l’injuste ballet se répète. Trop peu de bateaux viennent décharger leur cargaison dans ce port de New-York où les hommes s’agglutinent de bon matin pour...

le 19 mars 2016

38 j'aime

3

Sur les quais
Sergent_Pepper
7

Wrongs for the deaf

Fort du succès d’Un tramway nommé Désir, Kazan renouvelle l’aventure avec Brando. Il s’agit désormais d’ouvrir les cloisons de l’adaptation théâtrale et d’embrasser la ville, ou plutôt un de ses...

le 5 juin 2019

34 j'aime

2

Sur les quais
Docteur_Jivago
10

Le Chemin de Croix

J'aurais pu avoir de la classe, j'aurais pu être un champion. J'aurais pu être quelqu'un au lieu de n'être qu'un tocard, ce que je suis, il ne faut pas se leurrer. En signant Sur les Quais,...

le 20 avr. 2014

31 j'aime

7

Du même critique

Gone Girl
Docteur_Jivago
8

American Beauty

D'apparence parfaite, le couple Amy et Nick s'apprête à fêter leurs cinq ans de mariage lorsque Amy disparaît brutalement et mystérieusement et si l'enquête semble accuser Nick, il va tout faire pour...

le 10 oct. 2014

170 j'aime

32

2001 : L'Odyssée de l'espace
Docteur_Jivago
5

Il était une fois l’espace

Tout juste auréolé du succès de Docteur Folamour, Stanley Kubrick se lance dans un projet de science-fiction assez démesuré et très ambitieux, où il fait appel à Arthur C. Clarke qui a écrit la...

le 25 oct. 2014

156 j'aime

43

American Sniper
Docteur_Jivago
8

La mort dans la peau

En mettant en scène la vie de Chris The Legend Kyle, héros en son pays, Clint Eastwood surprend et dresse, par le prisme de celui-ci, le portrait d'un pays entaché par une Guerre...

le 19 févr. 2015

151 j'aime

34