L'arrivée de Superman dans le paysage Hollywoodien à son époque est assez atypique. L'idée d'un film sur la super icone populaire Américaine n'est commencée qu'en 1973 par les producteurs Salkind, soit deux avant Les Dents de la Mer et 4 ans avant Star Wars. Au vu de sa date de sortie (1978), son budget, sa promotion et son succès, Superman devrait facilement être considéré comme un des blockbusters ayant participé à la fin du Nouvel Hollywood.


Cette période charnière commençait déjà à approcher de sa fin mais nous étions encore en plein dedans. D'où la présence étonnante des réalisateurs pressentis pour réaliser le film. De Steven Spielberg, William Friedkin et Francis Ford Coppola en passant par Sam Peckinpah. La production jeta plutôt son dévolu sur le petit nouveau Richard Donner qui sortait du succès de La Malédiction.
Le scénario fut quant à lui écrit ni plus ni moins par Robert Benton, réalisateur du film Kramer contre Kramer et du duo David/Leslie Newman qui ont signés le scénario du Bonnie et Clyde d'Arthur Penn. L'équipe est complétée par l'arrivée de Mario Puzo, romancier et scénariste du Parrain. Pour en rajouter, le légendaire Marlon Brando joue dans le film, grassement payé pour un rôle de dix minutes et John Williams qui sort de La Guerre des Etoiles nous gratifie de ses morceaux grandioses et patriotiques. Une équipe que vous considérerez peut-être comme largement surqualifiée, il n'en faut pas plus pour témoigner de la renommée du super-héros au monde. Un petit sucre avec ça ce serait gentil.


Malgré un très long tournage fatigant et un contrat obligeant Richard Donner à tourner les scènes d'une possible suite (les vestiges de ce qui restera de Superman II après s'être fait "remercié"), le premier blockbuster super-héroïque sort et devient un incroyable succès dépassant les attentes. Même si sa réputation a quelques peu évolué depuis le temps.


Pour un film que l'on a autant catégorisé comme kitsch et ridicule, je fut très surpris de la maturité et de l'émotion dégagée lors de la première partie du film.
la séquence d'introduction sur Krypton jouit d'une atmosphère particulière. Donner joue sur le mystère de cette culture. Quel est leur grandeur ? Comment fonctionne leur technologie à base de cristaux ?Les costumes et l'originalité des lieux donnent une portée presque religieuse à l'ensemble de la séquence. Les décors sont minimalistes mais l'illusion d'assister à un événement majeur transpire derrière la pellicule.


Tout la partie suivant Clark Kent adolescent à Smallville est quant à elle tellement sérieuse qu'elle aurait pu être inclus dans Man of Steel, mais jamais le ton n'est forcé. Clark se questionne sur ses pouvoirs et sur sa place dans le monde, des questions plus que pertinentes et dont l'absence de réponses claires est calmé par les paroles chaleureuses et optimistes de son père Jonathan, tellement d'émotions dégagées en une seule petite scène d'à peine une minute.
Quand ce dernier décède d'une cause que ses pouvoirs ne pouvaient pas empêcher de toutes façons, Clark partira en quête de réponses et trouvera sa voie à travers les paroles de ses deux mentors, éclairer le monde. Superman est né.


Donner a pris le temps de tout installer convenablement, filmant les grands espaces démesurés du Kansas et les plaines enneigées de la Forteresse de Solitude, annonciateurs de grands événements à venir, avec une réalisation à la limite de la contemplation. Aucun rire, juste le doute et l'émerveillement de la naissance du héros qui voit son chemin se tracer. Une première partie absolument parfaite à l'ambiance aux antipodes de ce qu'à retenu l'inconscient collectif, ce qui aura tendance à diviser pour ce qui va suivre.


Car c'est seulement à partir du moment que Clark Kent devient Superman que le ton du film change radicalement. C'est à partir de là qu'il devient le divertissement coloré et amusant tant réputé (et rabaissé) contenant les éléments farfelus tant décriés aujourd'hui.
La transition fut pourtant suffisamment subtile pour le permettre. On échange les décors grandioses et aérées vides de population contre la cohue urbaine de Metropolis, les deux séquences séparées par un très long plan dans l'espace sublimé par des effets spéciaux abstraits. Clark Kent vient d'entrer dans le monde "réel".
Le ton du film est très coloré et bon enfant mais pourtant le récit ne perd pas en force. C'est à partir de là que le film nous fait entrer dans sa réalité et nous la fait accepter ainsi que ses éléments scénaristiques qui, à l'heure d'aujourd'hui ne seraient plus du tout crédibles. Superman est un bon moyen de tester notre suspension consentie de l'incrédulité. Si l'on accepte ce changement, tout le reste du film devient limpide.


Christopher Reeve entre en scène et c'est là que l'on regrette que l'acteur soit resté enfermé dans son image de super-héros tant cet inconnu est expressif et varie facilement son jeu entre ses deux facettes entre l'empoté Clark Kent et le charismatique confiant Superman. Le meilleur interprète que le super-héros ait jamais eu.


Superman a déjà achevé son évolution, c'est sur sa relation avec Loïs Lane et Lex Luthor que le reste du film va porter.
La personnage qui s'est coltinée l'image assez dévalorisante de la demoiselle en détresse unidimensionnelle est pourtant loin d'être une idiote dans le film. Avant-tout une femme indépendante, elle ne se mettra en danger que par pur hasard et ne sera que fasciné par l'Homme d'acier, Donner ayant eu la bonne idée de ne pas engager la romance trop rapidement. La scène de leur premiere rencontre se conclue par une scène de partage rendue culte par la musique de John Williams.
On ne pourra pas dire la même qualité de Lex Luthor. Le célèbre antagoniste voit sa menace entamée par ses comics-reliefs et n'est sauvé que par le jeu survitaminé de Gene Hackman mais sans sombrer pour autant dans le cabotinage. Ne perdant jamais en intelligence et en charisme, la (seconde mais de très peu) meilleure interprétation du super-vilain à l'écran.


Créant un cheminement de Superman en tant que héros est ponctué de séquences aux trucages bluffants pour l'époque et s'achevant sur une action symboliquement forte.
Le Superman de Richard Donner mériterait d'être revu sous un autre jour car non-seulement il s'agit du meilleur film Superman encore aujourd'hui (n'en déplaise à certains), mais aussi parce qu'à cette époque aussi riche en films de super-héros, revenir aux bases fondamentales serait une bonne chose.
Le pionnier du cinéma super-héroïque.

Housecoat

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