sept 2010:

La photographie très baveuse de Sacha Vierny n'entame pas trop le plaisir de suivre ce film, plaisir qui reste tout de même plutôt modéré. C'est le sujet même du film qui manque personnellement d'intérêt. Le parcours de cet escroc de la finance est assez édifiant certes. Mais disons que ces mondes là ne me fascinent guère. Et ce ne sont pas les aventures plus contemporaines de Bernard Tapie par exemple qui modifieront quoique ce soit à ce constat.

L'affaire Stavisky n'est pas uniquement une affaire de gros sous mais a servi également de prétexte ou de lien plus ou moins direct avec les débats politiques français de l'entre-deux-guerres où l'anti-parlementarisme propre à la IIIème république venait se nourrir de toutes les histoires crapoteuses des politiciens et hommes d'affaire corrompus. J'imagine qu'Alain Resnais a conçu ce film comme un prétexte à tracer des éléments caractéristiques de l'époque politique et sociale, la trajectoire de Stavisky devenant une sorte d'illustration de tous les maux de cette société malade de cette première guerre mondiale mal digérée.

J'en suis encore là de ma réflexion car le film n'est pas d'une lisibilité tout à fait éclairante. Rien d'évident avec tous ces vas-et-viens incessants entre le passé, le présent et le futur. La construction narrative se complexifie encore avec les allées et venues entre l'histoire de Stavisky et le séjour de Trotsky en exil dans le sud de la France. Loin de moi l'idée de rejeter la responsabilité d'une éventuelle mauvaise compréhension sur les méandres du scénario car au final tout cela parait lisible mais disons tout de même que le puzzle met un peu de temps à se reconstituer. Ce n'est pas facile, même pour un historien. J'imagine que pour ceux qui ne connaissent pas la période, le film peut paraitre abscons.

Au delà de ces considérations, peut-être qu'une légère déception s'est manifestée après avoir découvert ce générique très impressionnant où de grands noms se côtoient, pas uniquement dans la distribution des rôles. De Jorge Semprun au scénario, jusqu'à Jurgenson au montage, Vierny à la photographie, Alexandre Mnouchkine à la production, Resnais ne semble rien se refuser.

Le trombinoscope en impose également.
Jean-Paul Belmondo va entrer dans sa période Bébel. Il n'est pas loin du sommet de sa popularité et d'ailleurs certaines scènes laissent apparaitre les gimmicks de sa gestuelle exubérante, un peu vulgaire. Cela sert considérablement le personnage, un va-nu-pied qui a eu l'occasion de goûter au luxe, au pouvoir de l'argent et qui n'a pas l'intention de retirer sa main du pot de confiture, en dépit des fantômes de culpabilité qui le hantent parfois. Stavisky est un homme du peuple. C'est dingue ce que sa personnalité a de commun avec celle de Bernard Tapie, son parcours, son appétit, sa puissance et ses faiblesses, cette fascination pour la manipulation des apparences. Un rôle qui allait comme un gant à ce Belmondo démonstratif, fier vainqueur du box office.

A ses côtés j'ai noté la présence spectrale et quelque peu lugubre de François Périer, rêche et sévère. J'ai pu apprécier la diction toujours aussi incroyable de Michel Lonsdale ou le charme inquiétant et naturel à la fois de Claude Rich. Et quel plaisir de retrouver Charles Boyer, quelle voix, quelle prestance, quelle classe cet homme! Il me faudrait en énumérer beaucoup d'autres. Le film regorge de plus ou moins grandes participations remarquables.

Pourtant la sauce ne prend pas, en ce qui me concerne du moins. Le ballet de figures et le parcours de Stavisky ne suscitent qu'un peu de curiosité mais j'ai eu un mal fou à m'imprégner de cette histoire. Dommage.
Alligator
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le 14 avr. 2013

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