Jetez un œil à la répartition des notes sur Sens Critique et vous constaterez rapidement que sa moyenne ne reflète pas le grand écart hallucinant qu’il y a dans les avis sur ce film incroyablement diviseur, et pour cause ! Chacun a son interprétation, chacun y a trouvé son compte, ou non… Il y a deux lectures c’est vrai, il y a la vitrine et l’arrière-boutique et il y a ceux qui sont restés à la porte de la boutique. Pourtant, le seul fait que ce film divise à ce point des critiqueurs qui sont souvent d’accord lui donne une importance et un statut particulier et pousse à lui accorder un minimum d’attention.

Pour commencer, un démenti à ceux qui affirment que l’affiche était mensongère car, comme sur cette affiche, il y a bien dès le début un étalage de corps bronzés tous plus parfaits les uns que les autres, de seins à l’air et de fesses bien rebondies. Autant dire que la libido de ceux, hommes et femmes, qui raffolent des hanches prononcées, est mise à rude l’épreuve. Alors conseil : voyez-le seul sinon vous risquez d’être si gonflants que vous prendrez une gifle au bout de dix minutes ! Passé le cap du spring break, orgie institutionnalisée aux U.S.A. durant laquelle les étudiants fêtent la fin de l’année dans la drogue, l’alcool et le sexe, vous aurez droit à un film gangsta survitaminé à la bande originale tapageuse qui se permet, au passage, de montrer du doigt la dictature de l’apparence, de l’argent et du système U.S.

Quatre petites étudiantes merdeuses insatisfaites partent au spring break avec l’argent que trois d’entre elles ont tiré d’un braquage. Arrivées là-bas elles se murgent, fument et abusent de tout ce qui se présente à elles. Jusqu’à ce que la police les embarque et les libère après qu’Alien a payé leur caution. Alien est le type même du gangsta exubérant et totalement instable capable à tout instant de partir en vrille. Trois des filles restent vivre avec lui et commencent à mener une vie peuplée d’armes, de drogues et de crimes, la quatrième ayant pris ses jambes à son cou. Cette vie n’est en fait que le négatif de leur vie d’avant, avec cette même dictature de la réussite obligatoire, des apparences et de la raison du plus fort. C’est là qu’Harmony Korine marque les esprits, en sacrifiant cette jeunesse dorée et si sûre d’être à l’abri, la transformant en une jeunesse avide et avec peu de principes moraux. Mais aussi en jetant des ponts entre deux mondes qui se rejettent et fonctionnent pourtant sur les même codes…et les mêmes drogues.

On retiendra la performance réelle de James Franco, incroyable gangsta aux dents d’acier, méconnaissable depuis son rôle de fiston du Bouffon Vert, il est flamboyant et tape-à-l’œil mais c’est ça qui est bon ! Le reste du casting roule ses hanches bien rondes sous nos yeux gourmands (ben ouai, toujours cette maudite libido…) et semble là pour appuyer le contraste entre cette crapule armée jusqu’aux dents et des étudiants amoureux de leur corp. Harmony Korine appuie là où ça fait mal et montre que la violence, l’amour de l’argent et des armes n’est pas réservé aux hommes. Un film qui en dit plus long à ceux qui voudront écouter, qui nous parle d’une jeunesse insatisfaite, mal à l’aise avec les contraintes d’un monde exigeant, qui utilise le spring break comme un exutoire et trouve finalement dans la violence un espace de liberté, comme si de leur vie d’avant ne restaient que les avantages, comme si ces frustrations accumulées avaient fait explosé leur soupape de sécurité, libérant un besoin de violence trop longtemps refoulé. Donnez-vous la peine d’entrer, d’aller voir au-delà des soutiens-gorge et des bikinis et vous assisterez à un spectacle plein de tension, d’images mémorables et de frime, le spectacle d’un vrai bon film.

P.S.: trop fier du titre !
Jambalaya
9
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le 14 nov. 2013

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Jambalaya

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