Voici une œuvre miraculeuse, d’une justesse dans les sentiments et les émotions adolescentes qui m’a ramené vingt-cinq ans en arrière. A cette époque, se trouver une identité revenait à les essayer les unes après les autres, faire une rencontre était une prise de risque pas toujours calculée, s’adresser à celle dont on se croyait amoureux changeait le passage du Baccalauréat en plaisir délicieux. Ce film touche au plus près nos souvenirs, intelligent et sensible sans jamais basculer dans la sensiblerie. Il gonfle le cœur, de tous ces espoirs et ambitions que l’on avait à l’époque, dont on se souvient avec la nostalgie de temps certes difficiles, mais aussi exaltants et la mélancolie de voir que l'adulte que nous sommes devenus, a exaucé si peu des souhaits de l’adolescent que l’on était.


Charlie est comme tout adolescent : mal dans peau, mais peut-être un peu plus que les autres. Des événements de son enfance, imprimés en lui, compliquent plus que de coutume son passage à l’âge adulte. Alors, son entrée au lycée se passe mal, victime privilégiées des brimades les plus imbéciles, il cherche désespérément une amitié, quelle qu’elle soit. Une qui le sortirait d’une solitude qui finira par le rendre fou si elle ne prend pas fin. Sam, en qui Charlie découvre son ange, et Patrick, tout deux demi-frère et sœur, vont se prendre d’affection (et peut-être un peu plus) pour cet être à part, cultivé, intelligent et plein d’une belle sensibilité. Tout ne se fera pas simplement, la faute à cet âge où les apparences dévorent la vérité de chacun, où les rapports sociaux accordent trop d’importance au regard des autres.


Si Stephen Chbosky est probablement meilleur écrivain que metteur en scène, il n’a pas à rougir un seul instant du film qu'il a enfanté. Il a trouvé le juste équilibre avec une bande originale qui rend hommage à tout ce que la musique britannique a apporté de meilleur. Son histoire frappe directement au cœur, sans qu’on ait besoin de réfléchir, de se poser de questions qui viendraient troubler un plaisir si profond. Mais ce qui frappe le plus reste cette distribution sans fausse note. Ezra Miller est un ravissement de potache, en homosexuel bombant le torse dès qu’il s’agit de donner le change à ceux qui le regardent de haut, la fierté gay dans ce qu’elle a de plus enthousiasmant. Logan Lerman est étonnant, plein de douceur et de réserve dans son jeu, tout en nuances, en fines touches d’émotions pastelles, la performance est bluffante. Que dire alors d’Emma Watson ? Qu'un coeur d'ancien adolescent a battu à tout rompre quand il a retrouvé en elle toutes ces filles magnifiques à ses yeux et qu'il regardait pendant des jours de loin, rendu muet par une timidité qui lui aura probablement coûté cher. Elle est tout à la fois la meilleure copine, mais aussi celle dont on rêvera éternellement, qu’elle devienne celle qui vous donne votre premier baiser. Harry Potter laissait soupçonner que, pour peu qu’elle fasse les bons choix, elle avait tout d’une grande. En plus de ce film, Sofia Coppola et Daren Aronofsky ont confirmé depuis que son avenir sera doré du verni des grandes actrices, peut-être aussi du regard amoureux qui ne manquera pas de poser sur elle à chaque nouveau film…


Redevenir adolescent, retrouver ses rêves, parfois (souvent ?) insensés, retrouver l’insouciance d’une existence qui avait le mérite de la simplicité. Le Monde De Charlie est un détonateur, qui déclenche presque instantanément des émotions pleines d’ambivalence, mélange de plaisirs retrouvés et de douleurs de toutes ces choses qui nous ont échappé. Quel plaisir serait de retrouver cet âge d’or, avec notre maturité d'aujourd’hui, nul doute qu’on oserait plus, qu’on profiterait plus et qu’au final on en deviendrait meilleur, à l’image de ces trois héros qui, malgré la douleur d’une seconde naissance que représente ce passage, finiront par devenir des personnes meilleures avec, éparpillées sur leurs souvenirs d’enfance, les restes de leurs ambitions.

Jambalaya
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le 5 janv. 2014

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