Spider-Man. Dans le temps ces neuf lettres portaient pour moi un sens presque mystique. Celui de la certitude qu'avec un peu de respect – ainsi qu'une gigantesque dose de talent - l'on pouvait adapter n'importe quel comics en un film réussi doté d'une esthétique forte et de personnages proches de ceux que j'avais lu durant mon enfance. Il faut se souvenir qu'avant que Sam Raimi soit choisi pour s'attaquer à cet exercice l'intérêt de ce type de démarches était avant tout esthétique. Tim Burton comprenait considérablement mieux Gotham et ses arêtes expressionnistes que ce qui pourrait bien pousser Bruce Wayne à tenter de sauver la veuve et l'orphelin. (Ce n'est pas sa faute, d'ailleurs, l'homme est trop étrange pour s'identifier à qui que ce soit d'autre que le Pingouin dans ce type de contexte.) Remarquez, la théorie déployée lors des balbutiements du Comic Book Movie ne manquait pas de charme. L'univers présenté ne servait qu'à rendre le concept central présenté par le film comme une évidence visuelle loin d'être aussi ridicule que l'on pourrait l'imaginer quand on lit sa description à voix haute lors d'une froide soirée d'automne. C'est l'histoire d'un homme qui vole porté par des fils avec une roquette sur le dos tout en portant un casque doré digne des meilleurs designs de Raymond Loewe ? Autant se payer des décors magnifiques inspirés par l'âge d'or Hollywoodien. Il aura l'air à sa place. Vous me dites que vous venez d'acheter les droits d'une série de romans de gare des années trente où un homme mystérieux manipule les esprits des classes criminelles afin de se fondre dans les ombres ? Ouh. Cela va être dur. Demandez à l'australien responsable d'Highlander s'il a une idée. On ne sait jamais. Ah, et dites-lui que s'il se foire... il est fini.


Vous pouvez donc imaginer avec aisance quelles difficultés se présentaient à l'époque pour tenter d'adapter l'histoire d'un génie surdoué en chimie mais pataud dans la vraie vie et ses aventures de cosplayer au justaucorps coloré. Il fallait rendre son univers crédible comme le fit Stan Lee en 1962 lorsqu'il décida de faire de l'homme sous le masque retouché par Jack Kirby – et conceptualisé par Steve Ditko - un simple teenager perdu dans une époque étrange. C'est la confusion face au monde qui l'entoure qui devrait ressortir comme caractéristique principale de tout type d'analyse de la psyché de Peter Parker. Il est mal dans sa peau, pauvre, constamment tiraillé entre ses envies d'adolescent et le sens du devoir qui fut instillé en lui par feu son Oncle Ben. Ce n'est pas – pour résumer – le type de beau gosse spécialisé dans l'exhibition constante de ses abdos qu'un acteur juvénile de troisième rang peut utiliser pour catapulter sa carrière vers la stratosphère pendant quelques instants en sortant référence facile sur référence facile pendant près de deux heures. Parker est un loser. Aussi simple que ça. C'est carrément le gars qui ne saurait pas mettre sa vie en ordre si l'intégralité de l'univers conspirait pour lui donner le type de pouvoirs dont il a toujours rêvé. Son humour ? Un mécanisme de défense. Il n'est pas vraiment drôle, hein, et il le sait. Mais ça ne l'empêche pas de causer pour décontenancer son adversaire. Il ne décoche pas des one-liners, non, il foire des one-liners. Pour masquer son malaise. C'est bien là tout son charme.


Homecoming, passé ce préambule, est un pur produit. L'intérêt n'est pas d'adapter de manière respectueuse l'esprit des personnages issus des publications de la Maison des Idées ou même de tenter de réaliser un film doté d'une quelconque forme d'intérêt artistique. Non, le but de l'exercice est simple : manufacturer un bien de consommation consensuel destiné au public le plus large possible afin de s'approcher du gain optimum prévu par nos projections statistiques. Tel est l'effet de Disney sur l'univers Marvel, d'ailleurs. Avant, de temps à autres, un film MCU plus ou moins correct comme Iron Man 3 ou The Winter Soldier arrivait encore à contenir un brin de l'âme des personnages qu'ils présentaient. De nos jours ? L'exercice a considérablement changé. L'on entend d'ici les marketeux diriger la charge. Nos projections exigent que Peter Parker ait un ami pas drôle : cela lui évitera d'avoir l'air trop solitaire/étrange/impopulaire. Spider-Man devrait être la star de son lycée ! Si l'on pouvait s'assurer que son pote soit un gars mortellement obèse fasciné de trucs techniques, ce serait encore mieux. Faut que le public de base se reconnaisse dans le film. L'ennemi... disons que l'on va capitaliser sur les plans préliminaires dont Sam Raimi comptait faire son Spider-Man 4. Oh, non, l'on ne peut pas faire de lui un vieillard sorti de prison par la puissance d'un harnais anti-gravifique qu'il a inventé de ses mains. Ce serait stupide. Trop comic-book ! Admettons que ce soit un travailleur du tertiaire spécialiste du déblaiement de combats super-héroïques doté d'une paire d'ailes gigantesques issues de la technologie Chitauri. Tout d'un coup, ça fait sens. Ah, et payez-moi l'un des anciens Batman pour endosser le rôle : on veut envoyer un message aux fanboys. Il fait quoi de nos jours Val Kilmer ? Comment ça il est à l'article de la mort ?! Bon, demandez au gars de Birdman. Si j'ai bien compris le film il a toujours rêvé qu'on lui propose un rôle de ce calibre. Il était temps, d'ailleurs, j'avais jamais entendu parler de ce mec et il est super ! J'vous en passe et des meilleures.


Ce qui compte pour un héros – passé toutes les projections statistiques – c'est ce que ses motivations nous laissent entrevoir de son âme. Parker façon Tobey Maguire se battait car de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilité et que c'est le devoir de ceux qui sont forts de protéger les faibles. Celui de Garfield se démenait pour garder la série chez Sony. Et le nouveau, bah, il veut juste impressionner l'ex petit-ami d'Ally McBeal pour être casté dans le prochain film Avengers. Tout d'un coup, mis à plat, c'est quand même très cynique.

MaSQuEdePuSTA
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le 26 nov. 2017

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