Soul
7.4
Soul

Long-métrage d'animation de Pete Docter et Kemp Powers (2020)

Rares sont les années où Pixar sort 2 films à la fois. C'était déjà arrivé avec Vice-versa et Le Monde d’Arlo, et le second était clairement passé inaperçu. En début d'année 2020 Pixar sortait En avant, dont l'histoire m'avait beaucoup touché et avait même réussi à me faire pleurer à la fin, mais dont l'univers manquait un peu de substance et dont la direction artistique était très criarde. De l'autre côté du spectre on a donc Soul avec une animation sublime, une direction artistique très réfléchie et inventive mais un scénario très conceptuel, pas toujours bien exploité et dont la morale m’échappe.


Visuellement Soul est bluffant. Pixar n'a aujourd'hui plus rien à prouver mais va toujours plus loin avec ce fameux monde d'avant et ses contours un peu flous ; ou alors ce mélange très réussi entre des êtres 2D et 3D, qui m’ont fait penser à la liberté et l’impertinence de La Linea d’Osvaldo Cavandoli. Le passage de Terry dans New York est visuellement très inventif, le travail de noirs profonds de l’escalator vers le Grand Après est très beau.


Côté histoire, Pixar veut aller encore plus loin qu’avec Vice-versa ou Coco. Après les émotions, la valeur d’une vie, le deuil, la passion et la transmission, Pixar développe pousse ses concepts sur la naissance de la personnalité et le sens qu'on cherche à donner à sa vie.


Joe, professeur de jazz qui a toujours rêvé de devenir un grand musicien, tombe dans le coma à la suite d'un accident et refuse de passer l'arme à gauche. Trichant avec « le destin » il se retrouve au séminaire de préparation des âmes où il va s’associer avec une âme cynique pour trouver un moyen de retourner dans son corps et au passage de donner goût à la vie à cette âme récalcitrante. Habitué à des concepts mâtures, Pixar vise très haut avec des concepts très abstraits et parfois brouillons qui parleront forcément plus aux adultes qu’aux enfants. Mais ce qui m'a plutôt gêné dans le film c'est qu'il fourmille de petites idées et de concepts un peu dans tous les sens qui sont souvent peu exploités.


De manière globale je comprends ce que Pixar essaie de nous dire mais beaucoup de petites choses, de petites incohérences ou encore des manières de mettre en scène des concepts m’ont gênée ou ne m’ont pas parlé. Sans révéler trop du film, je trouve par exemple que le personnage de Joe ne se remet pas vraiment en question. Quant au personnage de 22, à la mère de Joe, au chat-bouboule ou même aux êtres du Grand Avant j'ai déjà vu ces personnages un peu déjà vu dans l'univers de Pixar, ils manquaient un peu de singularité.


Le Grand Avant ressemble à une start-up américaine de la Silicon Valley, dans la manière dont les gens s'expriment, se valorisent ou se moquent les uns des autres. Cela donne un aspect très entrepreneurial à la préparation des âmes on le retrouve d'ailleurs dans la manière de les comptabiliser ou de leur attribuer des personnalités. Le film est un peu confus de ce point de vue avec une première partie où on montre une forme de prédestination, que ce soit dans le caractère ou dans ce qu'on va faire plus tard dans la vie — ce fameux purpose, une résolution qui vient balayer ça sans souci de cohérence, et sans non plus remettre en cause profondément ce « système ».


22 contourne le système, c’est en « trichant » qu’elle obtient son pass. De même, Joe a « triché » plusieurs fois. Son action finale lui vaut une récompense un peu à la manière d'une méritocratie, ce qui enlève un petit peu l'altruisme de son geste. A la fin du film c'est bel et bien parce qu'il a réalisé son rêve qu'il va tout d'un coup prendre conscience de la beauté de la vie dans une vision très américaine est très individualiste du succès de l'épanouissement.


Soul tend également plein de perches à son personnage (et au spectateur) sur la notion de transmission (chez le coiffeur, auprès de Connie, de 22, de sa mère), mais à chaque fois c'est posé là, on s'arrête une seconde et on revient sur la trame narrative centrale de l'inversion des corps. Le film passe donc un petit peu à côté de son propre message qui aurait été de découvrir le vrai sens de la vie, comment mesurer sa vie par l’impact auprès de son entourage te non pas par son succès personnel, pour se contenter d'un road-trip où chacun veut retourner « à la maison ».


Je trouve qu'il y a une vision étrangement individualiste qui alimente le côté success-story typiquement américain, tout en essayant de manière très contradictoire de nous apprendre que la beauté de la vie ce sont les petites choses qui la composent. Soul est un film ambitieux qui voulait nous dire beaucoup de choses mais qui s'emmêle un peu les pinceaux. Peut-être que pour certains la morale était claire et ils ont trouvé ça très beau. Moi j'ai trouvé le film bancal, et s’il était plaisant à suivre grâce à sa grande maitrise technique et artistique, il m’a laissé perplexe.

Créée

le 17 janv. 2021

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Alice Perron

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