Soul
7.4
Soul

Long-métrage d'animation de Pete Docter et Kemp Powers (2020)

Reprochez ce que vous voulez à Pixar, mais la firme à la lampe n'est pas dénuée à la fois d'ambition dans les histoires qu'elle veut raconter comme dans la manière dont elle les raconte ainsi que d'une certaine bravoure dans les thèmes qu'elle aborde dans ces histoires qui sont, en partie tout du moins, destinées à la jeunesse. Wall-E parlait de la pollution engendrée par notre mode de vie ainsi que de l'apathie de notre société occidentale, Vice-Versa de la difficulté de grandir et de la manière dont nous nous construisons à travers les sentiments, Coco et Up de la perte et du deuil et de la manière de les gérer. Des thèmes parfois compliqués à aborder surtout lorsqu'il est question d'en parler à des enfants (et peut-être même encore plus dur vis à vis des adultes tant ils pensent déjà avoir réponse à tout?).


Soul aborde encore une fois des questions importantes: quel sens donner à sa vie? Qu'est-ce qui fait que je suis moi? Que faire de sa vie? Quel sens donner à l' accomplissement de soi? Et de manière générale parle des regrets que chacun peut entretenir au niveau de ses choix de vie.
Il n'est pas tant ici question de la mort comme dans Coco (même si une nouvelle vision de l'au-delà nous y est présentée). L'équipe responsable du film utilise la mort et l'au-delà pour mieux la contraster avec la vie.


L'approche de Pixar pour parler de ses thèmes me parait plus subtile que le crédit qu'on veut bien leur accorder. Quelques petits divulgâchages vont suivre, soyez prévenus!


Le film nous met sur une fausse piste dés le départ, car comme le protagoniste qui ne voit la vie et le sens qu'on peut lui accorder qu'à travers son rêve, sa passion et ses accomplissements, nous assumons que dans cette préexistence où on attribue aux âmes des qualités et des défauts, les âmes se doivent de choisir un rêve, une passion, une vocation qui leur tiendrait lieu de raison de vivre, comme un but à atteindre sur la terre.
Numéro 22 se montre parfaitement réfractaire à cette approche, et les mentors célèbres et ayant accompli de "grandes choses" dans la vie n'arrivent pas à le convaincre de l'intérêt de vivre à travers cette idée de vocation, d'objectif. Ce sera à travers l'expérience de Joe Gardner, un homme vivant une vie simple, à travers des expériences sensorielles ordinaires, que numéro 22 finira par découvrir son envie de vivre.
De même, il aurait été tellement facile de choisir pour protagoniste un homme malheureux ou dont la vie est braquée sur des objectifs matérialistes pour donner une leçon sur le fait de faire ce qu'on aime, etc.
Mais ce n'est pas le chemin qu'emprunte Soul. En choisissant un artiste, quelqu'un qui est sensé être plus élevé spirituellement de par sa volonté de vivre son art et de le placer au dessus de besoins plus élémentaires, le message du film n'en devient que plus percutant.
Ce n'est pas une vocation ou une passion que les jeunes âmes qui ne se sont pas encore incarnées recherchent pour se décider à venir sur terre, mais une étincelle qui leur donne envie d'explorer la vie et pas un objectif à atteindre, tout tournant autour de cet objectif.
On passe donc d'une vision qui aurait été extrêmement déterministe à quelque chose de beaucoup plus libre (reste ces scènes que j'entends bien être humoristiques mais qui me chagrinent un peu ou les Michels distribuent l'égocentrisme comme on distribue la limonade comme s'il s'agissait plus d'inné que d'acquis, et qui me gène aux entournures, mais bon...).
De même, Joe se rend compte que ce rêve de musique s'il n'en est pas matérialiste reste une obsession qui par moment l'a empêché de vivre, et de se connecter aux autres (comme à son coiffeur qui est heureux de lui parler de sa vie et d'autre chose que de Jazz, ou avec sa mère).
Ce n'est pas d'ailleurs pour rien, et participe sans doute encore au message du film,. que les âmes en peine et les personnes "en état de grâce" évoluent dans le même univers de l'esprit appelé la zone,
Joe, au final, comprend que la vie n'est pas une série d'objectifs que l'on se doit d'atteindre, une check-list relative à ses passions qui selon les cases cochées déterminerait si votre vie est un échec ou une réussite. La vie c'est être, simplement, et expérimenter toutes les choses simples qui en font l'intérêt.
Il y a à l'évidence quelque chose de Capra (mais j'ai un biais cognitif évident, je vois Capra partout), et du George Bailey de It's a Wonderfull Life dans cette simplicité retrouvée et ce plaisir de vivre de Joe à la fin du film qui me touche, forcément (faudra un jour que j'écrive sur Capra, mais chaque chose en son temps).

J'y vois aussi une critique de ce fichu mot à la con qui empoisonne l'existence de toute personne ayant un âme, justement, et que les tristes abrutis hurlent comme des slogans publicitaires vides de sens: le projet.
Privé de projet, vous ne seriez rien et n'auriez aucune valeur. Et bien entendu, rien n'est plus faux, même si on essaye de vous le faire croire . Et c'est cela qui résonne avec une force particulière dans ce nouveau... projet... (bon faut croire que ce n'est pas systématiquement négatif non plus) de Pixar.


En plus de toutes ces considérations, nul n'est besoin (enfin, si puisque j'en touche un mot) de parler des qualités de l'animation des films de Pixar. Ici, il y a un mélange graphique qui est très intéressant en plus de la qualité intrinsèque de l'animation.


Bref, j'ai aimé Soul, même s'il y a une ou deux petites choses qui me chagrinent (le déterminisme dont j'ai déjà fait mention plus haut, et une bande originale qui aurait pu être plus à la hauteur d'une partie du sujet?) et une ou deux autres sur lesquelles je ne parviens pas à mettre des mots qui m'empêchent de l'apprécier plus. Peut-être cela viendra-t-il avec le temps?


Mais restons sur une note (jazzy si possible) positive: Soul est un film qui vaut le coup d'être vu et s'inscrit dans la tradition d'excellence en matière d'animation du studio à la lampe qui cherche à nous donner un peu de lumière en cette fin d'année 2020 qui en a bien besoin.

Samu-L
7
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le 28 déc. 2020

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Samu-L

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