Le film Soudain l'été dernier (Suddenly, last summer) de Joseph L. Mankiewicz est une réussite totale, le scénario et l'adaptation sont d'après la pièce de théâtre Soudain l’été dernier (Suddenly last summer) de Tennessee Williams (1958).


Mankiewicz frappe fort, en triturant les tabous, explorant le refoulé, n'esquivant aucun écueil. Homosexualité, cannibalisme, inceste, perversion, viol, folie. Il reconstruit l'œuvre de Tennessee Williams, l'installant dans des décors sordides et pesants, entre mythologie et tragédie grecque. Mankiewicz est passionné de psychanalyse, il ajoute une pincée de finesse à ce drame œdipien, insoutenable, et dirige à la perfection trois immenses acteurs dont la composition donne au film une rare intensité - Elizabeth Taylor (Catherine Holly), Katharine Hepburn (Violet Venable) et Montgomery Clift (le docteur John Cukrowicz) - ainsi que d'autre acteurs comme Mercedes McCambridge (Grace Holly), Albert Dekker (le docteur Lawrence J. Hockstader), Gary Raymond (George Holly), Mavis Villiers (Mademoiselle Foxhill), Patricia Marmont (l'infirmière Benson), Joan Young (Soeur Felicity)...

Ce film nous montre deux célèbres actrices : Katharine Hepburn, la vieille, la prédatrice, et Elizabeth Taylor, la jeune, la victime. Face à Katharine Hepburn, Elizabeth Taylor joue le rôle de la jeune, belle et innocente victime. Apparemment "folle", elle semble condamnée à une lobotomie que le « happy end » du film lui évitera.


Sur un sujet complexe et terriblement audacieux, Joseph L. Mankiewicz, comme à son habitude, réalise un film psychanalytique très intelligent. Il sème ici et là des indices, autant de pièces de puzzle, qui s'assemblent à la fin. La symbolique dominante est celle du prédateur, des jeunes dévorés, et de la plage. À la fin du film, ceux qui tueront Sebastian le poursuivent hors de la plage (comme les jeunes tortues) ; mais si les tortues fuient vers la mer, Sebastian part de la plage vers le sommet d'une colline. Et, comme les jeunes tortues, Sebastian finit dévoré mais par de jeunes gens. Dernière évocation symbolique au prédateur, la station balnéaire espagnole où Sebastian meurt est dénommée pertinemment « Cabeza de Lobo » (« tête de loup »).


Il y a aussi une inversion symbolique des situations : le prédateur au début du film est dévoré à la fin ; Violette, « saine d'esprit » au début du film devient folle à la fin, tandis que Catherine fait le chemin inverse.

PoussinSybelle
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films Dramatiques

Créée

le 25 janv. 2023

Critique lue 3 fois

Yves Plantard

Écrit par

Critique lue 3 fois

D'autres avis sur Soudain l'été dernier

Soudain l'été dernier
Sergent_Pepper
10

Vol au-dessus d’un nid de gourous

On a souvent considéré comme théâtral le cinéma de Mankiewicz, du fait de l’importance qu’il accorde aux dialogues, très écrits et constitutifs de la chair même de ses films. Confronter cet auteur au...

le 13 avr. 2014

76 j'aime

11

Soudain l'été dernier
Psychedeclic
10

Soudain, la grosse claque dans ma face

Une jeune femme en proie à ses démons, traumatisée après un choc violent ; un neurochirurgien adepte de psychologie qui se laisse aller à un jeu dangereux avec sa patiente ; une tante trop...

le 2 févr. 2011

40 j'aime

10

Soudain l'été dernier
SanFelice
10

Plantes carnivores et amours vénéneuses

Joseph L. Mankiewicz savait accorder de l'importance aux dialogues. Et comme tous ceux qui reconnaissent l'importance des paroles, ils savait qu'il s'agit d'un instrument de pouvoir. Mots et...

le 6 août 2017

34 j'aime

4

Du même critique

Area 51
PoussinSybelle
3

Nullité parfaite

Genre de film où le réalisateur suis caméra au poing une équipe de jeunes complotistes qui veulent tout savoir sur la zone 51, eux aussi caméra au poing, des discours interminables, une fin sans...

le 13 nov. 2023

1 j'aime

1

Black Rain
PoussinSybelle
8

Sato rit jaune !!

Ce film de Ridley Scott, qui est un de mes préférés, est plaisant à regarder avec en toile de fond un choc des cultures entre deux pays d’une totale différence. Il est accompagné d’une belle musique...

le 14 mars 2023

1 j'aime

Copland
PoussinSybelle
9

Scorsese - Les Sopranos

Très bon policier des années 90 réalisé par James Mangold avec une belle distribution d'acteurs, "moitié" Martin Scorsese (Robert De Niro, Harvey Keitel, Ray Liotta, Frank Vincent...) et Les Sopranos...

le 12 mars 2023

1 j'aime