Une jeune femme en proie à ses démons, traumatisée après un choc violent ; un neurochirurgien adepte de psychologie qui se laisse aller à un jeu dangereux avec sa patiente ; une tante trop manipulatrice pour être honnête ; un entourage sans scrupules... Et ce fameux Sebastian, que l'on ne verra jamais vraiment, mais dont la présence est, par la seule force des dialogues, du scénario et de la scène finale, incroyablement lourde et envahissante.
Pour tout dire, je ne m'attendais pas à grand chose en enclenchant le film. A la fin, je suis resté bouche bée tant je l'avais trouvé bon. Le jeu de Katharine Hepburn est tout simplement grandiose ; son personnage de mère intrusive et fusionnelle, totalement névrosée, fascinée et amoureuse de son fils, possède une aura surnaturelle, une maîtrise de soi effrayante, la sauvagerie froide et calculée des mantes religieuses qui dévorent les têtes de leurs victimes. Sa victime, ici, s'appelle Catherine (jouée par Elizabeth Taylor, qui envoie du lourd), à qui elle souhaite, comme par hasard, faire subir une lobotomie au plus vite (jolie symbolique, non ?), persuadée que celle-ci avait pris sa place dans le coeur de Sebastian, son fils adoré, mort depuis, dans des circonstances mystérieuses. Le docteur chargé de "l'affaire" comprendra vite que cette démarche, censée soulager Catherine du mal-être qui la ronge depuis le décès du jeune homme, n'est que le fruit de la jalousie et d'un désir de vengeance, et tentera par tous les moyens de retarder l'échéance.
Si j'ai adoré ce film, c'est pour sa barbarie implicite (aussi bien dans sa manière d'aborder les rapports familiaux, que pour le sort réservé aux malades mentaux à l'époque) et explicite (le dénouement), sa scène de fin au suspense quasi-insoutenable (dont les paysages méditerranéens fiévreux, l'angoisse moite, m'ont rappelé "L'étranger" de Camus), son noir et blanc franc et impeccable, mais surtout pour la puissance et l'intelligence avec lesquelles sont traités les thèmes et les symboles, que ce soit celui de "l'artiste maudit" à la sensibilité si exacerbée qu'il en devient presque autiste et ne se sent à sa place nulle part, celui du jardin de Sebastian, avec ses plantes exotiques et carnivores, qui ressemblerait trait pour trait à un Eden qu'une femme serait venu "pervertir", celui de la corruption par l'argent, des secrets de famille, de la folie, du magnétisme affolant qu'une personne peut exercer sur une autre, de la douleur qu'engendre la perte d'un être cher... "Soudain, l'été dernier" est un thriller psychologique sombre et distingué, dont l'intensité dramatique ne peut laisser indifférent.

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le 2 févr. 2011

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Psychedeclic

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