J'ai énormément d'affection pour ce petit film écolo-hédoniste. Je le revois toujours avec plaisir.

Et je ne comprends pas le reproche que ma femme, qui le voyait pour la première fois, lui faisait à la fin. Elle trouvait que le récit manquait de fluidité. Étrange, je le trouve au contraire très bien ficelé. Si ce n'est peut-être le tout début, les 10 premières minutes qui mettent un peu trop de temps à installer les personnages.

Après, il est nécessaire que le scénario prenne son temps à tisser la toile. Il faut qu'on soit étouffé par la pesanteur, par la surpopulation, qu'on partage cette chaleur asphyxiante, qu'on ait faim, qu'on se sente sali par l'atmosphère polluée, que cette société bicéphale soit si verrouillée qu'on en sente bien la violence et la déchéance.

Cette histoire malthusienne échoue sur une fin tout aussi logique qu'insupportable. Le scénario trace très bien cette route conduisant vers la fin du monde, la fin de toute humanité.

L'enquête est menée par un Charlton Heston maintenant bien installé dans son rôle de témoin eschatologique ("La planète des singes", "Le survivant"). Son personnage est toujours un peu le même, un grand gaillard rude d'aspect, mais avec un bon fond, celui de l'Américain moyen, entre cynisme et pragmatisme.

Mais le personnage le plus intéressant du film est certainement celui auquel nous pouvons le plus facilement nous identifier, c'est le vieux bibliothécaire, Edward G Robinson, non pas parce qu'il est vieux et bibliothécaire, mais parce qu'il a connu les plaisirs d'une planète encore à peu près saine, les plaisirs de la bonne bouffe et de la nature florissante. Il pose un regard nostalgique sur une Terre désormais disparue.

À quel point a-t-elle disparu ? C'est tout le mystère du film révélé qu'à la toute fin mais qu'on peut deviner peu à peu. Cette "solution" en forme de morale range le film dans la catégorie du cinéma politique, revendicateur.

Oh, le discours n'est pas non plus très subversif. On ne montre personne du doigt, la responsabilité est collective. Le discours ne désigne pas de coupable, mais il fait preuve d'une certaine forme d'innovation. Le ton est brutal. Cette écologie est de fait militante. La production est hollywoodienne : il s'agit donc de faire du spectacle avant tout. Néanmoins, on ne peut pas enlever au film sa finalité sincèrement alarmiste. La violence de sa conclusion n'est pas amoindrie par la forme. Et puis l'idée passe, c'est essentiel.

Je ne voudrais pas clore ce texte sans une fois encore mettre en exergue l'efficacité de Richard Fleischer. Il n'est pas assez cité. Voilà un cinéaste d'une redoutable puissance sur le plan cinématographique et qu'on ne met pas suffisamment en lumière. Mais essayez de citer un mauvais film de Richard Fleischer. Alors certes, je ne le connais peut-être pas assez pour y parvenir. Reste que je n'ai pas encore vu un seul film médiocre de cet auteur. Tiens, en voilà un dont j'aimerais bien lire la biographie.
Alligator
7
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le 27 nov. 2012

Modifiée

le 19 nov. 2013

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Alligator

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