Film culte pour beaucoup, nanar pour d’autres, mais certainement savant mélange d’optimisme et de fatalisme. Silent Running, qui sort ce mois-ci en version restaurée chez Wild Side, se veut à la fois film de science-fiction et d’anticipation non seulement par ce qui va nous arriver, mais par ce qui nous arrive déjà. Nous n’avons pas encore envoyé dans l’espace de grand vaisseau chargé de sauvegarder la Nature tel l’Arche de Noé, mais nous avons bien commencé à puiser sans vergogne dans les réserves de notre planète, persuadés que la science nous sauvera. Par son choix de ne pas montrer un seul instant cette Terre dévastée, Douglas Trumbull donne un surcroît de force à son film, car il nous laisse le soin d’imaginer le pire, démarche pédagogique de sa part, l’imagination frappant les esprits bien plus fortement que la démonstration.


Les personnages et leur caractérisation renforcent le postulat de Trumbull car, dans une civilisation où la Nature s’apparente de plus en plus à un lointain souvenir, trois des quatre membres d’équipage passent ce temps coincés dans l’espace, à jouer au poker et faire des courses de voiturettes, se moquant éperdument de sauvergarder le moindre brin d’herbe qui serait un jour replanté sur Terre. Le quatrième, Lowell, botaniste de formation, reste alors le seul à avoir à cœur de mener à bien sa mission. Ne donnant aucune explication sur ce qui amène alors les Terriens à prendre leur grande décision (le tournant du film), Trumbull fait une nouvelle fois confiance à l’intelligence du spectateur, préférant montrer sans démontrer.


Au centre du film se trouve donc Lowell, personnage mystique et quasi-prophétique, habillé la plupart du temps de grandes chasubles lui donnant des airs de missionnaire. Il semble souvent habité, parfois jusqu’à la folie, par un Bruce Dern mémorable qui rappelle que ses récentes nominations aux Golden Globes et aux Oscars pour Nebraska, ne doivent rien au hasard, mais tout à cette manière qu’il a d’intensifier son jeu d’un seul regard, jusqu’à la saturation. Le scénario fait que le film lui doit tout, reposant presque exclusivement sur ses épaules à l’époque déjà frêles.


Bénéficiant de l’expérience de certains sur des films comme 2001, l’Odyssée De l’Espace, Blade Runner, Rencontres Du Troisème Type (Trumbull ayant dirigé les effets visuels des trois films) ou Star Trek, d’un Michael Cimino au scénario et d’une Joan Baez à la musique, Silent Running est un film où la technologie a fait un bond spectaculaire, mais en cohérence avec nos connaissances actuelles. C’est surtout une mise en garde, un miroir qu’on nous retourne et qui nous montrerait par anticipation où se trouve le point de non-retour pour notre espèce. Silent Running nous rappelle que nous venons, au même titre que toute chose ou tout être, de cette Terre qui nous a donné la vie et nous la reprendra si nécessaire, et que lorsque nous glissons une main dans cette Terre, nous reprenons contact avec notre Mère originelle. Mais le ferons-nous avant qu’il ne soit trop tard ?


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Jambalaya
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le 29 juin 2016

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