L’été… Le temps où les hommes se débarrassent de leur petite famille, en l’envoyant en vacances, et peuvent laisser libre cours à leurs instincts primaires deux mois durant, sans risque d’être gêné par la présence d’une femme entrée dans leur vie depuis bien trop longtemps à leur goût… Et pourtant, ce n’est pas comme cela que l’envisage Richard Sherman (Tom Ewell), qui a décidé non seulement de rester fidèle aux conseils de sa femme (Evelyn Keyes), ne pas boire et ne pas fumer, mais également à se femme elle-même. Mais c’est sans compter sur la présence d’une inconnue (Marylin Monroe, plus sublime que jamais), aussi belle qu’ingénue – et Dieu sait qu’elle est ingénue ! – et séductrice malgré elle, venant occuper l’appartement du dessus pendant les deux mois qui viennent. Sherman va avoir fort à faire pour ne pas succomber à la tentation…


On sait le combat que Billy Wilder mena constamment durant la première partie de sa carrière contre un code Hays qui avait la censure un peu trop facile. Alors que la pièce qu’il adapte en compagnie de son auteur George Axelrod faisait consommer l’adultère par son personnage principal, l’adultère n’est donc ici jamais concrétisé. Mais finalement, c’est peut-être justement ce qui fait la force du film et lui donne son charme si particulier, la frustration constante éprouvée par Sherman étant non seulement source de comique inépuisable, mais rendant le personnage bien plus attachant par sa lutte constante contre le vice, alors que le voir tomber dans le même travers que tous ses semblables ne lui aurait sans doute pas conféré la même force.
Il faut dire que Billy Wilder sort son arme de séduction massive en la personne de Marylin Monroe, que je crois bien n’avoir jamais connu plus en beauté qu’ici, et qui devrait faire interdire ce film à tous les hommes mariés, tant il apparaît impossible de résister à son charme si intemporel, charme qui rend Sherman d’autant plus héroïque, et renvoie au placard toutes les pseudo-beautés fatales qui encombrent nos écrans aujourd’hui.
Cela ne serait rien, toutefois, si le génie wilderien à la recherche permanente du mot juste ne commençait ici à révéler son éclat au travers de dialogues pétillants et d’une saveur déjà sans égale. Evidemment, le génie est encore en gestation et il lui manque peut-être un I.A.L. Diamond pour parfaire sa verve. Il lui manque en tous cas clairement un Jack Lemmon, sur lequel Wilder n’a alors pas encore mis la main, devant se contenter d’un Tom Ewell pas déplaisant mais qui reste bien inférieur à son successeur.
La comédie est donc sympathique, quoique superficielle (la profondeur n’arrivant à peu de choses près que pour les 10 minutes finales), mais témoigne d’un charme si complet qu’elle ne pâtit à aucun moment de son aspect très proche du théâtre filmé. D’autant que, si elle reste discrète, on sent déjà se développer le goût de Wilder pour la satire sociale, à travers la description des maris qui ne songent qu’à courir les femmes en l’absence de leur épouse, des psychanalystes qui ne voient l’homme qu’à travers le prisme d’une bestialité dégradante et fantasmée, ou encore de l’éditeur qui ne songe qu’à appâter son public par le sexe et la violence...
Il n’en reste pas moins que Sept ans de réflexion fera rétrospectivement pâle figure à côté de son cadet de 4 ans La Garçonnière, chef-d’œuvre où, ayant enfin mis la main sur son dialoguiste et son acteur fétiches, Wilder parviendra à faire éclater toute l’étendue de sa finesse et de son élégance dans une formidable peinture de l’âme humaine, sans que, cette fois, d’arbitraires limites lui soient imposées.

Tonto
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de Billy Wilder et Les meilleurs films de 1955

Créée

le 10 juin 2017

Critique lue 231 fois

9 j'aime

3 commentaires

Tonto

Écrit par

Critique lue 231 fois

9
3

D'autres avis sur Sept ans de réflexion

Sept ans de réflexion
Ugly
7

La fille d'à côté

C'est sans doute le film le plus célèbre de Marilyn Monroe car il contient la fameuse scène de la bouche de métro qui soulève sa robe, elle est entrée dans la légende et appartient à la mythologie...

Par

le 8 nov. 2018

26 j'aime

Sept ans de réflexion
Ochazuke
4

Critique de Sept ans de réflexion par Ochazuke

Tant pis, je me risque, mais ce soir je vous avoue ne pas vous suivre, malgré l'amour que j'ai pour vous. J'aime voir les films et ensuite lire les critiques et les notes, les mesurer à mes...

le 30 déc. 2011

26 j'aime

34

Sept ans de réflexion
Sergent_Pepper
6

Ce châtiment de l’été.

L’usine à rêves qu’est Hollywood ne peut pas passer à côté du vivier scénaristique que sont les fantasmes de l’homme marié à la faveur du départ de la famille en vacances. C’est l’été, il fait chaud,...

le 7 juin 2017

24 j'aime

1

Du même critique

Solo - A Star Wars Story
Tonto
8

Mémoires d'un Han

Dans les méandres de la planète Corellia, où la population a été asservie aux ordres de l’Aube écarlate, organisation au service de l’Empire, un jeune homme, Han (Alden Ehrenreich) tente de s’évader...

le 24 mai 2018

79 j'aime

32

Hostiles
Tonto
9

La fantastique chevauchée

1892, Nouveau-Mexique. Vétéran respecté de l’armée américaine, le capitaine Joseph Blocker (Christian Bale) se voit donner l’ordre de raccompagner le chef cheyenne Yellow Hawk (Wes Studi), en train...

le 20 mars 2018

78 j'aime

15