Second Tour
6.1
Second Tour

Film de Albert Dupontel (2023)

Après le succès retentissant d’Adieu les cons (2020), Albert Dupontel livre une comédie politique questionnant l’identité avec Second Tour. Choisissant d’alterner le point de vue de son intrigue entre les péripéties d’une journaliste politique (Cécile de France) et un candidat à la présidentielle (Albert Dupontel), le cinéaste livre une course-poursuite effrénée, réjouissante. Si l’on connaît l’amour que porte l’homme au cinéma de Joel et Ethan Coen en passant par Terry Gilliam, son film ne trahit pas ses influences en liant le thriller à la comédie. Comme il le dit lui-même, ce n’est pas tellement moquer la réalité moderne qui l’intéresse mais questionner les conséquences de celle-ci sur les individus. Tant une fable qu’une caricature, Second Tour revêt de portraits quelque peu touchants entre hommes attristés et un personnage féminin dans le feu de l’action.


Toujours méticuleux sur la gestion de l’espace dans les décors de ses films, le réalisateur tente sans cesse des zooms et travelling en tous genres quitte à trop en faire. Pour l’exemple, une scène rend compte de la perspective d’un oiseau en plein vol sans raison particulière. Cette énergie sans mesure participe toutefois au charme inhérent à la production, le film débordant de tendresse et de générosité par ses personnages et sa mise en scène. Des invraisemblances se succèdent par-ci, par-là, finalement à la manière d’Adieu les cons, mais il y a de beaux sketches donnant la place au talent comique pas si exploité que cela de Cécile de France. Sur un comique de répétition, souvent axé sur les dialogues, Dupontel ne maîtrise pas complètement son tempo humoristique mais réussit davantage à intégrer de la tension au récit. À ce titre, deux personnages qu’il incarne respectivement ont un temps à l’écran semblable, donnant de l’envergure à leurs psychoses dissimulées.


Second Tour est éloigné de certains poncifs de la comédie française, en partie par le discours social sur l’homme – reclus à la campagne – incarné par le réalisateur en personne, se faisant passer pour le candidat à l’occasion du grand débat télévisé très jouissif. En qualité de journaliste accompagnée d’un comic relief (Nicolas Marié), un axe thématique intéressant et pertinent est dressé sur l’usage des médias que l’héroïne en fait pour dissimuler la vérité. À la fois par les interviews tournant au cynisme et les montages des journaux télévisés, la protection de la figure publique du candidat relève de ce qu’il ne maîtrise pas. Au-delà de la menace terroriste bien présente sur la durée entière du film, les projecteurs, flashs photographiques et questions télévisées l’inquiètent en permanence. Cette approche dramatique, contrastant le ton comique, est une marque de rigueur sur le traitement du sujet évitant le surplus caricatural.


Les coups de théâtre sont bien présents, et l’écriture rappelle les comédies sentimentales du romancier Marivaux sans sacrifier l’identité visuelle du cinéma de Dupontel. Cela est parfois redondant, tant les images se succèdent et se ressemblent, surtout que les forces antagonistes extérieures au personnage principal ne sont pas nécessairement bien incarnées. Second Tour demeure savoureux, dédié à Jean-Paul Belmondo, Michel Deville et Bertrand Tavernier.


Un succès public à sa sortie prochaine, à n’en pas douter.


A retrouver en intégralité : https://cestquoilecinema.fr/critique-second-tour-retour-a-la-campagne/

Créée

le 4 août 2023

Critique lue 568 fois

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William Carlier

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