Avec son titre de série Z et son pitch impropable, "RoboCop" n'aurait pû être qu'un simple blockbuster ou une énième bouse de SF comme il en sort des milliers chaque année. Pourtant, il est devenu une référence du genre, à compter aux rayons des oeuvres cultes. Quelles sont les raisons de cette réputation ? Une ébauche de réponse : Paul Verhoeven aux commandes.
Quelques années après "Terminator", le cinéma met de nouveau en scène un cyborg évoluant dans une Amérique dévastée, avec des intentions artistiques divergentes toutefois. Fort d'une solide carrière en Europe, la démarche de Verhoeven ne constitue pas à se vendre à Hollywood, comme beaucoup l'ont fait auparavant, mais plutôt de profiter des gros budgets qu'on lui alloue, pour mettre en pratique son style violent et provocateur, tout en glissant insidieusement un côté incroyablement subversif.
Projeté à l'aube des années 2000, ce récit d'anticipation nous offre une vision prophétique de notre société, à travers une ville de Détroit gangrénée par la corruption, par la violence, et métamorphosée par l'urbanisme brutal, si bien que la police, impuissante, se retrouve dans l'incapacité d'enrayer cette montée de violence soudaine. Les causes de cette violence ? Une banalité outrancière de celle-ci par le biais des médias, qui annoncent les pires atrocités, exactement comme la météo, c'est-à-dire le sourire aux lèvres. Sera également mis en exergue par la même occasion les effets pervers de la publicité, et sa glorification habituelle ridicule de l'American Way of Life.
Mais là où ça va encore plus loin, c'est quand on entre dans un blâme sur les paradoxes de la doctrine Reaganienne. Pour pallier à l'inefficacité des forces de l'ordre, l'Etat va progressivement se laisser aller dans une dangereuse privatisation sans limite des services publics, soulignant ainsi l'avidité croissante d'une puissance mondialisée. C'est ainsi que l'OCP, un conglomérat militaro-industriel, ayant la mainmise sur divers marchés lucratifs prend le contrôle de la police et lance le projet RoboCop. Pour se faire, elle envoie une équipe d'agents lambdas dans les quartiers chauds, en sachant pertinemment qu'ils seront envoyés à la morgue.
C'est ce qu'il arrive à Alex Murphy, abbatu sauvagement dans l'exercice de sa profession. L'OCP a désormais son cobaye. Sa resurrection aura lieu sous la forme d'un Robot-Policier mi-homme, mi-machine. Ultra-efficace, il fonctionne H24 pour faire le ménage dans les bas-fond de la Cité. Ce personnage extraordinaire, c'est tout un symbole. A la fois l'incarnation de cette obsession maladive de la sécurité, de l'ordre, de l'autorité, au détriment complet de l'humain, et l'incarnation de cette dualité de la nature humaine et de son evolution. Dans cette armure se confronte l'Humain traditionnel, modifié et modernisé contre son gré, dans une optique de rendement et d'efficacité. Comme si l'Humain devenait peu à peu Machine avec le Progrés. Oui, oui, le scénario est plus malin qu'il n'y paraît de prime abord.
Plus qu'un simple film de SF, c'est un western urbain sous testostérone, surfant sur la vague cyberpunk, tout en proposant un constat alarmant sur l'état du Monde.
Plus qu'un simple blockbuster, c'est une satire politique et dystopique désenchantée sacrément culotée, quand on parvient à aller au-delà de l'innocence des images proposées.
L'ennui, c'est que c'est beaucoup plus attirant sur le papier qu'au visionnage. Le film a pris un sacré coup de vieux, c'est certain. On ne peut pas nier le côté "nanar" années 80 de ce blockbuster, même si c'est sans doute ce charme vieillot, qui lui a conféré au fil du temps, son statut de film culte. Cette enrobage pitoyable fut aussi nécessaire pour passer les mailles de la censure. La diversité des thématiques implique malheuresement un traitement superficiel. En effet, la plupart sont toutes survolées sans trop de considération.
Mais bordel, qu'est-ce que ces scènes bourrées d'actions et d'explosions sont jouissives !!!!!!!!!
La note reste modérée pour les raisons évoquées précedemment et pour des questions de ressenti, parce ce n'est pas le style de cinéma qui m'emballe et me fait vibrer généralement. Toujours est-il qu'il est impossible de résumer ce film aux prouesses badass d'un super flic, car "RoboCop" est oeuvre unique, riche et indispensable qui mérite un visionnage attentif clément au délà de tout préjugés.
PS : Je vous propose le lien direct vers ma critique d'un autre film culte de Paul Verhoeven, intitulé "Total Recall".
http://www.senscritique.com/film/Total_Recall/critique/28036078