Si certains doutaient encore de l'intérêt d'un site comme SensCritique en matière de découvertes, ce n'est définitivement plus mon cas... Parce que franchement, ailleurs que dans le "Top 111 films", ce film russe de 1985 sur la Seconde Guerre Mondiale, il fallait le dégoter...


Elem Klimov, dont bien évidemment je n'avais jamais entendu parler auparavant, ne s'embarrasse pas ici d'aller là où même les américains n'ont toujours pas osé aller vis-à-vis d'Hitler et des nazis. Avec Requiem pour un Massacre, la vengeance contre le 3ème Reich, la haine du Führer, n'ont jamais été aussi palpables. Le SS n'a jamais été aussi ignoble. Les images n'ont jamais été aussi puissantes, jusqu'à en devenir "insupportables" ; la barbarie se croyant civilisée n'ayant jamais eu un visage aussi inhumain. Un film à te dégouter de "l'humanité", et à te remettre à leur microscopique place eugénistes de tous bords et autres va-t-en-guerre. Mais pas seulement...


Il faut dire que bien évidemment, le front russe ce n'est pas le front américain. Dans ces forêts de la Biélorussie actuelle, les populations soviétiques se trouvent directement au contact des troupes allemandes, et pas d'occupation ici ; un massacre de civils qu'on a trop souvent tendance à oublier...
Un front où nous découvrirons d'abord deux enfants jouant aux adultes sur un ancien théâtre de mort. Le plus jeune prend une voix plus grave pour impressionner, mais c'est le plus grand qui trouve un fusil dans le sable... Et c'est ce dernier, le jeune Fliora, que nous suivrons tout le film ; un jeune homme totalement habité par le devoir du combattant qui, grâce à ce fusil, souhaitera se faire enrôler, malgré la désapprobation totale de sa mère. Et franchement, il faut voir le bonheur ahuri sur le visage de ce gamin ne rêvant que de servir l'union soviétique ! La propagande guerrière a des effets insoupçonnables... Mais l'expression marquante de son faciès aura le temps de changer ; et pour de bon. Un peu trop systématiquement peut-être...


Ses premières heures avec les partisans s'avèrent plutôt bon enfant, malgré son incorporation un peu humiliante. Malheureusement pour lui, ou pas, en raison peut-être de sa trop grande politesse, et certainement de son trop jeune âge, l'humiliation ne s'arrêtera pas là puisque ses bottes seront données à un vieux combattant. Lui n'aura pas la permission de suivre le groupe et devra rester à l'arrière. Il y rencontrera une jeune femme blonde au cours d'un face-à-face assez étrange qui, je dois le dire, ne m'a guère convaincu. Ils en font un peu trop les deux ou pas ? Ceci dit, après quelques séquences "poétiques", la guerre frappera à leur porte, et le film basculera pour de bon, après une bien tripante dernière danse de la belle...


Fliora retournera avec elle voir sa mère et ses petites soeurs, et là : les débuts de l'horreur. Une scène rondement menée les enverra traverser un marécage, où la boue prendra les aspects et la puanteur de la merde, afin de rejoindre comme une île au-delà de la mort. On se croira alors au bout de nos peines, mais non ! L'horreur s'en ira grandissante, et les brûlures des innocents façonneront l'idole diabolique à cracher et à vomir de toutes ses tripes. Une séquence totalement flippante, plus efficace que n'importe quel bon film d'horreur...


Et pendant ce temps, un avion repasse dans le ciel, tel un ange de la mort.


Une petite respiration. Les dieux alcooliques tombent près de la tête, et dans une plaine, les tirs prennent des allures de feux d'artifices, voire même de guerre des étoiles. Et au milieu, une vache. Fliora pleure. Encore. Dans la brume électrique, un vieux l'amène jusqu'au village. Et là, et là... Des images qui font psychologiquement mal. Très mal. J'en ai encore du dégoût. Un tour de force même pas manichéen puisque l'on apercevra au milieu de cette furie un allemand à lunettes pleurer en participant au massacre. Mais c'est un peu l'arbre qui cache la forêt cet allemand. Parce que c'est très bien de ne nous montrer les atrocités nazies et la barbarie en général, mais à aucun moment Elem Klimov ne nous parlera ou ne fera allusion à celles de Staline, même ultérieures...


On aura cependant droit à un dénouement assez formidable, qu'il ne faudrait surtout pas spoiler, où la lâcheté des uns et la détermination folle des autres ne pourront laisser place qu'à la vengeance la plus compréhensible et à la haine obligée. On préfèrera même utiliser des bandelettes de soin pour réparer son fusil plutôt que pour panser les plaies d'un blessé... Ceci dit, la toute dernière scène avec ses images d'archives en mode "rewind" ne m'a pas vraiment convaincu. Un procédé qui me paraît assez lourd et maladroit. Beaucoup plus en tout cas que le magnifique choeur de l'Armée Rouge concluant cet effarant Requiem pour un Massacre.


A voir absolument ; mais avec le coeur accroché.

RimbaudWarrior
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le 7 mai 2016

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RimbaudWarrior

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