Le voilà enfin ce film adulé par toute la cohorte de mes éclaireurs, du pisse-froid neurasthénique amateur de longues fresques chiantissimes au pape du bis bridé bricolé en passant par le félin féru du filon fêlé, le voilà, ce chef d’œuvre inconnu que j’attends de puis si longtemps en bavouillant comme un nouveau-né devant sa panade, le film qui prendra probablement la tête du top 111 dans quelques semaines, un choc visuel de chaque instant, une claque mes enfants, une claque ! En plus je suis tout vierge de lui je sais juste que ça se passe pendant la seconde guerre mondiale, surprenez-moi, éblouissez-moi, passionnez-moi, je suis là pour ça.

Biélorussie 1943, un gamin gagne le maquis pour lutter contre les grands méchants nazis et se baladera quelques temps dans l’horreur des villages massacrés (nous échappons à la reconstitution des 286, Dieu merci…) en prenant subtilement le spectateur à témoin grâce à d’habiles ficelles de mise en scène telles que le regard face caméra intempestif, les implications sonores déplaisantes et tout un festival d’esbroufe inutile qui ne parviendra jamais à cacher l’aspect terriblement binaire du message véhiculé et l’invraisemblable inutilité de l’ensemble.

Nous sommes en 1985, apparemment, la moitié des spectateurs du site n’a jamais vu de films de guerre et découvre que cette joyeuse activité millénaire se passe dans le sang, le viol et la cruauté, le maquis de Sade en quelque sorte, une telle naïveté, pour en être touchante ne peut complètement oblitérer le fait que même si elle a échappé aux cinéma d’antan, la décennie précédente suffit à elle-même à imposer son lot de grandes fresques sur la question, sans même souvent l’excuse d’une guerre lointaine au méchant trop facile pour étayer son propos…

Alors non, définitivement, non, Requiem pour un massacre n’est pas un film qui innove dans sa façon d’aborder ses thématiques, ses spécificités sont ailleurs.

Dans la lourdeur du style notamment, puisque, outre les effets grossiers cités plus haut nous avons le droit à un abus mal maîtrisé de steadycam qui nuit considérablement à la réputation des cadrages soviétiques, une tendance au sur-jeu qui, pour un peuple slave déjà enclin à l’exagération poétique confine à l’indigeste et surtout une avalanche de symboliques lourdingues qui vient empeser un ensemble déjà pas très finaud qui n’en avait pas particulièrement l’usage.

Mon bon Klimov, si ton sujet se suffit à lui-même, contente-toi de le raconter du mieux que tu peux, ne l’assène pas comme un forgeron ses coups de marteau, et même, si, au final, cerise sur la gâteau tu veux faire dans le délire anachronique, pourquoi pas, une petite fois, mais ne fais pas durer ça dix minutes, on a compris dès la première seconde où tu voulais en venir…

Je me suis copieusement ennuyé pendant la plus grosse partie du film. Moi, quand le réalisateur me prend par la main à chaque instant pour me dire « tu as vu comme c’est sale ?... tu as vu comme c’est mal ? » ça me fait pousser quelques soupirs de déception et ça m’empêche de me sentir concerné par l’histoire, surtout si techniquement c’est faiblard à ce point, à coups de faux raccords et de photographie décevante. Pourtant, Alexaï Kravtenko est plutôt bien en héros-témoin, il a une bonne bouille d’illustrations d’avant-guerre, ça permet de passer sur les gros plans trop appuyés pour bien nous faire comprendre combien tout cela est horrible à voir… Mais n'empêche, s'il avait pu se noyer dans son marais boueux avec son hystérique, ça m'allait très bien moi, ou à la place de la vache, c'est sympa une vache, enfin, je veux dire, c'est goûtu...

Heureusement, la dernière heure se réveille un peu. Ce n’est toujours pas fin pour un sou mais au moins on a le droit à quelques images qui ressemblent à quelque chose et à un semblant de souffle qui arrive hélas bien tard…


Apocalypse Now, Aguirre, Le temps d’aimer et le temps de mourir, Attack, Croix de Fer, L’enfance d’Ivan, Little Big Man, Quand passent les cigognes, Andreï Roublev, Voyage au bout de l’enfer, Allemagne année zéro, le tambour, Hope and Glory sont pour une raison ou pour une autre, et parmi quelques centaines de films dont l’énumération complète serait fastidieuse, des films que vous aurez tout intérêt à regarder en lieu et place de ce gros machin pesant et fastidieux, gageons par ailleurs que vous n’en ferez rien mais ce ne sera pas faute d’avoir essayé…
Torpenn

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