Rendez-vous est l'illustre ancêtre de Vous avez un mess@ge, ou deux employés d'un magasin se détestant cordialement tombent amoureux de l'autre via des échanges épistolaires. La majorité du film se déroule dans le magasin et entremêle la trajectoire des amoureux contrariés à celle plus burlesque de la relation du patron et de ses 6 employés. Ernst Lubitsch excelle dans la comédie sociale et les rapports de classe, avec des dialogues impertinents et un comique de gestes bien pensé, à l'instar de Pirovitch qui fuit dès que son patron en appelle à leur « honnête opinion ». Cette satire sociale se fait parfois acide sous son vernis comique et suit l'évolution des rapports de classe au travail entre paternalisme, fidélité quasi féodale et ambition personnelle d'émancipation, et aborde également des thèmes pourtant quais-tabou comme le chômage, la pauvreté ou le suicide.
L'ensemble des personnages sont savamment équilibrés et on rit de bon cœur de leur petite guerre de pouvoir. En ça, le film est très bien servi par le jeu et l’alchimie entre James Stewart, Frank Morgan, Joseph Schildkraut et Felix Bressart. Presque 80 ans après sa sortie le film démontre toujours d'une très bonne cinématographie, avec des décors élaborer et bien utilisé, un vrai balai coordonné d'acteurs il a un très beau grain d'image.
Le film est cependant un peu plus faible sur la caractérisation des personnages féminins, souvent en retrait et en particulier de Mlle Novak, pourtant un des rôles principaux. En dehors de la scène du café où elle éconduit M. Kralik, son personnage est malheureusement un peu trop en surface. La « romance » est très déséquilibrée, et si au début on sent M. Kralik autant échaudé que pyromane, il se fait sur la fin plus manipulateur. Les joutes entre Kralik et Novak perdent alors en intérêt et en intensité du fait de cette asymétrie d'information, comme un joueur de tennis seul sur un grand court avec personne pour lui renvoyer une balle correcte. Que ce soit à cause de l’écriture ou de leur interprétation, ce déséquilibre se ressent également entre les deux acteurs, James Stewart éclipsant Margaret Sullavan.
Rendez-vous est donc pour moi un film excellent d’un point de vue réalisation, comédie et observation sociale acérée, mais n'arrive pas au niveau de Jeux dangereux.