Les contes pour enfant sont légion. Mondes imaginaires, créatures fantastiques, histoires légendaires… La conscience d’un enfant est toujours source d’une imagination profuse. Mais tout cela trouve un certain lien avec la réalité, une réalité qui peut être bien moins heureuse et enjouée, comme le montre Quelques minutes après minuit.
Trop jeune pour être un adulte, trop vieux pour être un enfant. Dès les premières phrases d’introduction débitées par la voix déformée et caverneuse de Liam Neeson, qui va incarner le monstre qui accompagne Conor, l’ambiguïté qui va être au cœur du récit est installée. Conor est vite montré comme un enfant seul et assez malheureux. Sa mère est atteinte d’une grave maladie, son père a déménagé aux Etats-Unis, sa grand mère est autoritaire et dure et, à l’école, il est souvent dans la Lune et malmené par des camarades mal intentionnés. Tout n’est, ici, que grisaille et infortune, dans un monde qui semble impitoyable envers Conor.
Dès lors, Quelques minutes après minuit pourrait développer un récit cherchant la résolution, un dénouement heureux, pour que le conte de fées prenne le pas sur la dureté de la vie. Mais ce ne sera pas le cas. Ici, l’objectif est, avant tout, d’illustrer tous les tourments qui accablent Conor, tous les mécanismes de défense qu’il met, volontairement ou non, en place, pour affronter la situation. Simplement, la réelle complexité réside dans le fait qu’il n’est pas conscient de la nature du mal qui le tourmente, qu’il ne sait pas l’identifier, et qu’il existe, au fond, une vérité qu’il ne peut ou qu’il veut voir. Alors, Quelques minutes après minuit vient mélanger l’imaginaire et la réalité, pour mettre des mots ou des images sur des choses parfois tues et ignorées, mettant en lumière la complexité de la nature humaine, où il ne s’agit pas juste de Bien et de Mal.
En réalité, sans même que le monstre n’apparaisse, le monde est déjà à l’image de l’état dans lequel se trouve la conscience de Conor. Le temps est toujours maussade, le monde est cruel envers lui, il fait de sa grand mère une figure inflexible et inquiétante… Il y a une éternelle projection de ses tourments sur le monde qui l’entoure. C’est ainsi que le film invoque, à l’instar du roman dont il est inspiré, l’imaginaire, pour illustrer de manière plus frontale les raisons pour lesquelles Conor agit ainsi, pourquoi le monde et les humains sont ainsi, pour qu’il puisse enfin faire face à la réalité. L’imaginaire n’est donc pas un refuge, ni un exutoire, c’est une extension de la réalité, qui en illustre les vérités. Et cet imaginaire, souvent sublime avec ce design en aquarelles, ces couleurs et ces lumières, vient alors apporter les réponses que la réalité ne fait que cacher.
Si le film peut paraître assez ludique dans sa démarche, il n’est jamais enfantin. Deuil, souffrance, solitude, Quelques minutes après minuit est un film dur et triste, mais qui réussit à ne jamais être trop larmoyant. Intelligent dans son message et dans sa façon de l’adresser, il réussit à être pertinent sur le fond et particulièrement beau sur la forme. Un conte pour les grands plus que pour les petits, mais à la portée définitivement universelle.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art