Puppet Master III - Toulon’s Revenge, David DeCoteau, U.S.A, 1991, 1 h 22

À peine 2 ans et déjà une trilogie, ça ne perd pas de temps à la Full Moon Pictures, quand un succès se montre au rendez-vous, il faut l’exploiter. Mais pour ce troisième épisode, Charles Band a mis la main à la poche, pas sur tout (le même thème musical, les mêmes marionnettes), pour proposer une aventure horrifique dans l’Allemagne nazie ! Et du coup, ce troisième volet est un prequel, centré sur André Toulon, dont les expériences attirent les convoitises des nazis.


Suite, certainement, à une vente de tenues nazies à bas coûts, le film s’ouvre sur des nazis dans un décor équivoque. Des drapeaux nazis, des photos d’Hitler, une marionnette Hitler, du sexe entre nazis, pas de doute, il exploite à fond le genre de la nazixploitation. Ce sous-genre de niche, souvent érotique plus qu’horrifique, propose une image pop’ des nazis. Ceux représentés ici comportent très peu de similarités avec les nazis de la Seconde Guerre mondiale. En effet, ils tiennent plus d’une somme culturelle, que d’une interprétation historique. Les méchants seront donc les nazis, parce que les nazis, ben ça fait vendre !


Des acteurs américains avec un accent allemand, dans deux ou trois décors pour l’action, pas plus, guidés par une réalisation sans grande imagination, sur un scénario convenu, ça a son charme. S’y ajoute un problème marketing, puisque le film est vendu comme un 3 alors que c’est un prequel, quand le sous-titre « Toulon’s Revenge » réfère davantage à ce qu’il se passe après ce qu’il raconte.


Dans l’ensemble, le métrage commence mal. Rien n’est très convaincant, ce que n’aide pas une histoire faussement compliquée, qui se révèle en fait très simple, mais accuse pas mal de lenteur, ce qui pour 1 h 22 est quand même fort. Donc à premier vu, ce n’est pas terrible terrible et puis, le film se montre particulièrement généreux dans le gore et un petit plaisir coupable se fait sentir à l’apparition des marionnettes, qui en plus dégomment du nazi. Dès lors, inutile de faire la fine bouche.


L’œuvre de David DeCoteau se place parfaitement bien dans la continuité des deux premiers, et se révèle même un cran supérieur. DeCoteau connaît bien le marché de l’exploitation, puisqu’il vient de l’industrie pornographique. Là, il y a fait ses premières armes, avant de basculer dans le genre de l’horreur à la fin des années 1980. C’est un cinéaste qui sait gérer l’urgence, les très petits budgets, pour rendre un produit fini dans les normes. En 1991, lorsqu’il se retrouve en charge du troisième volet d’une franchise qui enflamme le marché de la VHS horrifique, il atteint là un sommet dans sa carrière. Il restera par la suite attaché à la saga, puisque ce n’est pas le seul opus qu’il a mis en scène.


Mais l’expérience de David DeCoteau ne se reflète pas que dans sa capacité de bon faiseur, ça va au-delà. Ce prisme donne à l’inoffensif « Puppet Master III : Toulon’s Revenge » une dimension méta, bien plus chargée de sens qu’il n’y paraît. Le récit suit comment Toulon et sa femme deviennent victimes de l’oppression nazie. Tout le film se construit alors autour de la notion de rejet et la haine que reçoivent Toulon et sa femme pour leurs différences, au cœur d’une nation fasciste dans laquelle il n’est plus le bienvenu.


David DeCoteau est gay, jusque là aucun problème, cependant en 1991 êtres ouvertement homosexuels, dans l’industrie hollywoodienne, c’est encore très rare. S’il y a bien quelques films qui abordent la thématique, dans la production cette communauté reste majoritairement représentée à travers des clichés particulièrement caricaturaux, voire offensants. Dans les années 1980, alors que la communauté se rend de plus en plus visible, les États-Unis connaissent une recrudescence des crimes homophobes (un fait assez généralisé en Occident). De plus, les homosexuels se retrouvent stigmatisés avec l’épidémie du Sida et ses ravages. David DeCoteau, il a vécu tout ça, comme artiste dans l’Amérique des eighties. Dès lors, son parcours et ses expériences résonnent en échos avec le personnage de Toulon.


Le récit s’oriente finalement vers une touchante dramatisation, avec un propos fort, même si pas toujours très fin, mis en scène par un cinéaste qui arrive avec quelque chose à raconter, quelque chose à montrer aux spectateurs. Et pour ce faire, il nous rassasie de gore et de nazis qui se font trucider avec une véhémente brutalité. Même dans une production aussi modeste l’expérience de vie d’un auteur peut se ressentir, à travers une œuvre horrifique qui n’en a pas l’air, dans le reflet d’un problème de société tout actuel.


Mort dans le premier, mort-vivant dans le second, Toulon s’avère bien vivant dans ce troisième volet, qui permet de mieux entrevoir et comprendre les raisons du personnage. Pourquoi est-il devenu aussi mystique, et pourquoi avoir utilisé le vieux sortilège égyptien pour devenir le Maitre des Poupées. D’un personnage générique de méchant lambda d’une banale série B, Toulon devient un être empathique, qui de prime abord n’a pas agi pour le mal, au contraire même.


Il utilise dans ce film un sérum de sa création dans lequel il a synthétisé une formule, à partir du sortilège égyptien, pour (re)donner la vie. Le sérum présente une couleur verte, comme dans « 'Reanimator » en 1985, sauf que l’éclat demeure moindre, comme si en six ans il était passé. Il est possible de voir là un nouveau coup de ce sacré Charles Brand. Producteur de « 'Reanimator », il a certainement dû conserver des stocks dans sa cave, « au cas où », pour les réutiliser ici.


Au début des années 1990, un mouvement en réaction aux abus des années 1980 émerge. Il réagit aux dérapages du milieu militaro-industriel, mais aussi par rapport aux scandales liés à la santé. Nouveau Far West du capitalisme, les années 1980 ont connu des excès comme rarement, par la politique de Ronald Reagan. De ces dérives, un fort mouvement antifédéraliste est né, inquiet du pouvoir fédéral de Washington. Et bien « Puppet Master III », avec ses docteurs nazis avides de savoir, qui négationnent l’humain, juste pour le progrès scientifique, fait écho à cette mouvance de la crainte du scientifique, devenu fou, qui se développe.


C’est là une thématique qui existe de longue date dans la société américaine. Elle prend majoritairement sa source dans les années 1950, là aussi après une période de progrès scientifiques, qui aboutissent à la course au nucléaire. Le cinéma répond ainsi aux différentes craintes et méfiances présentes dans le pays. C’est également l’apparition du complotisme moderne, tel qu’on le connaît aujourd’hui. Deux ans après ce troisième film, la Fox diffuse la série « X-Files », qui illustre parfaitement le zeitgeist dans lequel se trouve l’Amérique du début des nineties.


Sur un ton très sombre et une inventivité qui faisait un peu défaut à l’ensemble, l’ultime séquence au grand-guignol jouissif clôt une petite œuvre horrifique riche. Avec du fond, et malgré tout généreux sur la forme, n’oublions pas le budget. Plus ambitieux que ses prédécesseurs, il se termine là où le premier commence, pour clore une trilogie sympathique et qui donne l’impression d’avoir quand même envie de bien faire. Mais à peine fini, le générique n’est même pas lancé, qu’un quatrième volet s’annonce déjà. Une promo à moindres frais, pour un film que de toute façon seules les personnes ayant vu les précédents seront intéressées. On y décèle là toute la stratégie de Charles Brand, qui n’en rate pas une en termes d’économie.


Et ce troisième film clôt momentanément la saga, pour laisser place aux débuts du très ambitieux « Puppet Master Universe » (le PMU). Ce multivers imaginé par la tête pensante de la Full Moon Pictures, résulte d’un jour où Charles Band se demanda comment faire encore un peu plus de thunes sur l’exploitation de ses productions. Et eurêka…


-Stork._

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le 22 juil. 2021

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