Johnnie To et le polar, c'est une histoire d'amour qui dure depuis longtemps déjà. Mais, comme toutes les histoires, elle a été mise à l'épreuve du temps et cela a parfois entraîné quelques petits coups de mou. Seulement, on le sait, il suffit d'un rien pour rallumer la flamme, comme ce fut le cas quelques années auparavant avec l'excellent The Mission. Alors, pour entretenir la passion, notre ami Johnnie décide de se la jouer romantique et sort le grand jeu : mise en scène contemplative, univers urbain nocturne et bleuté, photographie extrêmement soignée, mouvement de caméra aérien, poésie de l'image, etc. Avec tout ça, il se dit qu'il va agréablement surprendre sa dulcinée ; et la surprise c'est bien, ça rompt avec la monotonie du quotidien ! Seulement, voilà, la dame en question n'est pas née de la dernière pluie et attend un peu plus de son Roméo que quelques belles paroles mollement énoncées. L'ennui et la déception paraissent donc inévitables ; et il est fort probable que notre bonhomme finisse la nuit seul, avec ses poèmes, devant son poste de télévision. Ah, comme la vie peut être cruelle, parfois !
Pourtant, tout avait plutôt bien commencé pour Johnnie To qui avait la bonne idée de rependre l'intrigue du célèbre Chien enragé de Kurosawa afin de la remettre au goût du jour. On retrouve ainsi, au premier plan, l'histoire de ce flic qui se fait dérober son arme et qui va se lancer dans une véritable quête à travers la ville pour la retrouver. Cette trame principale va permettre à To d'explorer les bas-fonds de la ville et de passer en revue sa faune nocturne : voyous, paumés, flics, etc. Il va en profiter pour s'attarder quelque peu sur la prolifération des Triades, sur la rivalité entre les sections de police ou encore sur le tout sécuritaire qui tend à s'étendre sur toute la ville. Mais ces thèmes assez classiques ne sont que sommairement abordés dans le film, To privilégiant la forme avant tout.
Incontestablement, PTU est une réussite sur le plan formel. L'ambiance urbaine nocturne est parfaitement rendue avec une photographie travaillée qui joue parfaitement sur les contrastes de couleur et de lumières. To en fait de même avec sa mise en scène en plongeant longuement le spectateur dans un espace urbain étrangement vide, désert, glacial, avant de le confronter à la violence la plus crue et la plus vive : les coups tombent, des balles fusent, le sang coule. Cette violence qui apparaît subrepticement est d'autant plus saisissante qu'elle a quelque chose de surréaliste voire d'absurde. Comment peut-on justifier de tels actes, de telles dérives. La ville nocturne est ainsi semblable à une véritable jungle : belle, calme, paisible mais faussement endormie car le danger peut survenir à chaque instant. Cette ambiance, à mi-chemin entre Leone et Mann, est véritablement une réussite mais cela ne suffit pas pour faire un film ! Car les images de To, aussi belles soient-elles, ne parviennent pas à masquer un scénario cruellement insuffisant.
PTU souffre d'un vrai problème d'écriture : le scénario se contente d'empiler quelques clichés déjà vus de nombreuses fois dans ce type de film, rien n'est approfondi, pire l'ensemble est terriblement brouillon ! Et puis, en privilégiant le film contemplatif, To n'exploite pas, ou très mal, le ressort dramatique lié à la découverte de l'arme. L'histoire est censée se dérouler en un minimum de temps (l'espace d'une nuit) et dans un lieu géographiquement restreint ; et pourtant, on ne ressent que vaguement l'impression d'urgence ou de compte à rebours. On est quand même loin de l'efficacité du Kurosawa. Au final, on se retrouve avec un objet filmique correctement réalisé mais assez superficiel et avec des acteurs bons mais pour lesquels on reste indifférent. Bref, avec To, la nuit hongkongaise est aussi belle que monotone et les premières lueurs du jour se font longuement désirer.