Pendant que les cinémas réouvrent tranquillement mais que la création de nouveaux films dans les prochaines années risque d’être affectés, l’afflux de film en sortie s’annonce joyeuse et va permettre en revanche d’apprécier ces films qui sortent de l’ordinaire en ces prochains mois. Promising young woman fait parti de ces films qu’on n’a jamais vu. Provoquant la sensation de nouveauté, de voire qu’un nouvel horizon est possible, autant sur l’aspect social qui en ressort que la manipulation narrative au service du fond jamais trop lourd. En effet on ne va pas au cinéma pour voire un meeting politique énumérant ses idées nouvelles comme crie direct à son public, mais bien de l’art qui saurait observer suffisamment sa société pour pouvoir en retirer ses problèmes dans un récit transportant, cherchant avant tout à toucher son public et non pas le convaincre. C’est ce qu’à fait avec singularité qui plus est la scénariste et réalisatrice Emerald Fennell dans ce film qui nous dévoile peu à peu l’histoire de Cassie. Femme pleine d’avenir dans la médecine qui a tout arrêtée brusquement pour devenir employée d’un café le jour, redoutable séductrice la nuit dans un but mystérieux qui se dévoilera à nous, en même temps que ce sombre passé qu’elle traîne viscéralement en elle.


Le film est spécial, renouvelle le genre en les confrontant à plusieurs, changeant de tons brusquement, de discours, mais jamais de point de vue. Tout se passe à travers un personnage presque de bout en bout dans une fluidité totale qui explique largement son Oscar du meilleur scénario original tant la narration est maîtrisé et rythme pleinement le film. Avec quelques regrets cependant à ce propos puisque ces changements de tons sont brillements suivis et accompagnés par des acteurs qui inventent leurs personnages et bousculent toujours l’empathie que l’on a pour eux, mais avec une réalisation qui se perd un peu ne sachant pas vraiment sur quel pied danser. Le film se concentre ainsi sur les sensations à transmettre au lieu de rester dans les yeux endurcis de Cassie. Les basses saturées sont lourdes, les plans fixes lointain en contre plongés suivies de petits travelling caractéristiques des films d’horreur modernes ne fonctionnent pas spécialement. C’est de ce côté-ci que l’on ressent le plus un certain manque d’idée qui ne se manifeste absolument pas par ailleurs dans l’œuvre d’Emerald Fennell.


Ce qui marque et devient de plus en plus intéressant dans le film est le passage de plusieurs genres dans un enchaînement très fluide avec des ambiances plus ou moins réussies mais dans un rythme passionnant qui donne envie de poursuivre avec toujours plus d’intérêt la vie de Cassie. Le rythme est gardé par l’ingéniosité des évènements qui s’enchaînent mais aussi un humour très efficace qui fait parfaitement le liant pour garder une bonne cohérence quant à l’ambiance globale. On passe d’abord par un film à concept aux conclusions voyantes, assez moralisatrices sur la domination quotidienne des hommes sur les femmes, pour enchaîner sur un film de vengeance à suspense. Puis place à la comédie romantique pour terminer avec le thriller. Forcément il existe un certain détachement face à la gravité de ce qui est montré, mais le charisme et la radicalité de l’héroïne marque, le message passe et le film avance en captivant tous les spectateurs.


Ceci permet de garder une subtilité du discours qui est défendu, choquer et faire perdurer la réflexion au spectateur par des prises de position fortes sur des faits sociétaux dramatiques qui ne sont pas assez bien considérés. Le message est montré au lieu d’être dit ce qui change beaucoup de chose et permet une vraie continuité dans la perception du film pour le spectateur. Le point de vue totalement féminin est pertinent, intéressant évidemment face à sa trop grande inégalité dans le paysage cinématographique. Qui plus est brillement orchestré par Carey Mulligan et les autres acteurs flamboyant autant féminin que masculin. Spécialement Bo Burnham qui offre une relation courte mais passionnante avec l’héroïne qu’on se plaît à aimer autant qu’être déçu. Car sa présence permet de voir une volonté de s’en sortir coûte que coûte et n’empêche pas le point de vue exclusif et radical de Cassie qui ne laisse pas de place à une compréhension pour quoi que ce soit mais l’idée de montrer au spectateur un coupable qui devra payer de ses actes sans alternative possible.

Séance_critique
5

Créée

le 4 juin 2021

Critique lue 109 fois

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