Promare
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Promare

Long-métrage d'animation de Hiroyuki Imaishi (2019)

♫ Allumez le feu, et faite grandir la flamme dans nos yeux ! ♫

Hiroyuki Imaishi est un petit génie moderne de l’animation et je pèse mes mots. Rapidement devenu un symbole du Over the Top graphique, de la démesure décomplexé et dantesque au sein des studios d’animation Gainax avant de fonder les studios Trigger, il a facilement imposé sa marque de fabrique sur la forme et sur le fond dans le domaine des animés. J’en veux pour exemple Gurren Lagann dont les combats de robots feraient passer les Transformers de Michael Bay et le Pacific Rim de Guillermo Del Toro pour des exposés d’école primaire, Panty and Stocking with Gardebelt parodiant avec allégresse et trash attitude les cartoons américain du style Les Super Nanas et bien sur l’ahurissant Kill la Kill ou rivalité et règlement de compte tourne autour de tenue extrêmement affriolante, qui n’a rien à envier à la volonté d’acier de la brigade Dai Gurren.


Officiant surtout à la télévision, le passage au cinéma de quoi rendre extatique n’importe quel fan du monsieur. Si 2019 n’en reste pas moins marqué par le programme animé d’occident dans les salles obscurs avec un programme chargée (la suite des mondes de Ralph en début d’année et bientôt celle de Frozen chez Disney, la suite de Shaun le mouton ou encore La Famille Addams revenant sur nos écrans), tout ce à quoi touche Imaishi ne ressemble à rien de ce à quoi on est généralement habitué. Quand bien même l’influence Kill la Kill/Gurren Lagann se fait parfois sentir dans le détail, Promare n’est pas partie pour être un film d’animation banale dans l’industrie moderne mais de l’autre la première création originale filmique d’un artiste spécialisé à la télévision comporte inévitablement des risques lors de la transition au cinéma. Alors, quelle valeur a donc ce fameux Promare ?


Les trois premières minutes dévoilent rapidement l’atypisme graphique auquel l’équipe Trigger va nous accoutumer en faisant de Promare un jeu de forme, de couleur et de géométrie sous acide : les flammes devenant des polygones mauves nébuleux explosant à chaque naissance d’un Burnish durant ce court prologue et la Terre devenant une bombe à retardement quant au brasier infernale déclenché sur la planète bleue par les crises de stress extrêmes dans lesquels les malheureux se retrouvent.


D’ailleurs en terme de démesure visuelle, la caméra d’Imaishi n’est pas en reste puisqu’elle reprend la qualité première des animés japonais dont il est auteur en l’affranchissant pleinement en terme de mouvement. La patte visuelle reste simple et basique en apparence mais joue sur les explosions graphique lors des collisions ou des assauts, ce qui permet aux mouvements de se lâcher pleinement lors des scènes d’actions (en sachant opter pour un environnement adapté pour pouvoir filmer librement la bagarre). L’exubérance s’assume et nous contamine pleinement dés lors que Galo Thymos apparaît : un pompier grand gueule fraîchement débarqué mais non sans principe morale qui a rapidement gravi les échelons et nous entraîne dans cette lutte folle furieuse typiquement Triggeresque, de la même façon qu’on avait pu s’embarquer dans les tribulations exhibitionniste et bagarreuse durant la quête de vengeance de Ryuko Matoi dans Kill la Kill, ou encore dans la chasse aux démons improbable du côté du duo Panty/Stocking dans la série portant leur nom.


De même que si les pauses ne sont pas très nombreuses, les bases forgées lors de la première demi-heure sont prometteuses : montrant les Burnish comme un mal à combattre mais surtout des gens victimes de leurs conditions de vie et de leur propre pouvoir. Lio Fotia est d'ailleurs la bonne surprise du lot, un burnish et terroriste éphèbe nettement plus posé que notre héros, soucieux de ses semblables à bien des égards car lui-même prisonnier de sa condition. Et devant ouvrir davantage la vision de Galo quant à la lutte contre ce qui est qualifié de menace pour la société futuriste.


Malheureusement, et malgré toute l’attention que j’ai pour le studio et sa tête pensante, avec du recul et à tête reposée on se rend compte d’un point dévalorisant le film : on a bien souvent la sensation de voir une série d’animation convertie en film d’animation tant la plupart des seconds rôles n’arrivent pas à s’imposer ou à exister en dehors de leur fonction. La brigade de pompier en est la preuve la plus criarde, puisqu’à l’exception d’Aina aucun n’arrive à se mettre en avant en dehors de la chimie de groupe auquel on a pu assister à diverses scènes (même le rat de compagnie du groupe, qui est un écho évident de Buta dans Gurren Lagann, est transparent comme l’eau d’une grotte). Et il faut mieux éviter de faire tout un paragraphe sur le véritable méchant de l’histoire qui décèle un des défauts récurrents de certaines œuvres d’Imaishi : son hystérie typiquement manga qui a tendance à desservir l’Over The Top général.


Kray Foresight n’était pas une idée jetable sur le papier, s’il était uniquement montré comme un bienfaiteur choisissant de faire le sacrifice ultime pour préserver l’humanité d’une fin proche en utilisant les Burnish comme source d’énergie mais de manière décidé. Ce qui n’est pas le cas vu qu’il semblera davantage soucieux de devenir un messie pour l'humanité survivante que de la sauver d'une extinction en assumant son sacrifice planétaire, et qu’il est démystifié plus d’une fois (comme sur sa nature de Burnish et ses tentatives d’envoyer Galo à la mort alors que ce dernier s’en sortait à chaque fois, en plus de montrer un mépris maladif à l'égard de Galo) au point d’en faire un énième connard mégalomane à qui il manque l'allure ou le caractère requis pour être mémorable. Là-dessus y’a pas à dire, on est bien loin de Kiryuin Ragyo et Harime Nui chez Kill la Kill, des deux diablesses de Panty and Stocking, de Viral ou du peuple anti-spirale niveau antagonisme.


D’autant que Promare ne prend pas assez le temps pour se pencher sur la réaction et la vision des civiles quant au phénomène des incendiaires dans la société, alors qu’ils sont souvent les premiers à êtres confrontés aux accidents dont sont involontairement responsables les Burnish (plus de séquences comme celle de la Pizzeria aurait été la bienvenue : celle-ci, en plus de montrer une bonne chimie de groupe entre les pompiers et d’aborder la vision des Burnish, nous en montre un ayant tenté de s’intégrer malgré sa nature mais mis en cage pour la même raison et vu de travers par les clients de la pizzeria rejetant la nourriture qu'il a préparé à l'aide de ses pouvoirs).


On se retrouve parfois dans le même cas que le moyen-métrage Dead Leaves qu’Hiroyuki Imaishi a fait bien plus tôt, mais aussi de Redline de Takeshi Koike pour citer un autre modèle d’œuvre très visuelle et esthétique qui n’a pas nullement à avoir honte en comparaison d’autres démences visuelle : la durée étrique constamment les possibilités de ces films pour exploiter à fond ses idées. Alors pour éviter de mettre trop cela en avant auprès du public, Hiroyuki Imaishi choisi de miser sur les ingrédients principaux qui font la sève de ces films et leur force, ainsi que la logique de la surenchère ahurissante.


Et là-dessus on ne va pas faire la fine bouche, la générosité n’a pas de limite, les expérimentations fusent de toute part et on regarde cette immense spectacle avec un énorme sourire. Y compris pour ses touches d’humour acide ou ironique relevant parfois du brillant (Promare est la preuve que les élus n’existent pas chez Trigger) et se moquant sans honte de certains de ses retournements de situation (le nom d’un des robots géants) ou de son manque de profondeur. Sauf qu’en terme d’expérience graphique allumée, la comparaison avec Spider-Man : Into The Spider-Verse sorti en 2018 est évident : ce dernier ayant beaucoup de similarité sur son affranchissement des frontières sur son animation, mais il imposait et faisait régner une démarche d’œuvre méta et intime pour son public et son rapport à l’homme-araignée qui réussissait à faire vivre un tout jouant parfaitement sur le fil de l'équilibriste (alors que d’habitude SONY Animation se torche le cul avec notre intelligence et celle des gosses).


Tandis qu’Imaishi joue davantage l’atout du toujours plus qui a très souvent fonctionné par ses renouvellements de technique et la fusion de ses éléments, chose qui arrive à marcher ici et à assumer sa confusion ambiant et flamboyant dans tout les sens du terme. Bien que la lassitude finit par se pointer petit à petit durant la fin du dernier tiers, et qu’un non initié aux folies de la bande des studios Gainax ou Trigger a toutes les chances de se sentir extérieur ou rejeté du carcan anti cartésien auquel s’initient les esprits déjantés comme celui qui a fait ce film.


Sentant clairement la transition d’idée de série d’animation vers un long-métrage et se focalisant tellement sur sa qualité esthétique à nous décrocher la mâchoire qu’elle n’a pas le temps de donner plus d’épaisseur qu’il le mériterait, il garde THE ingrédient qui nous attrape et nous emmène vers d’autres cieux durant ces 1h50 : le panache contagieux qui sort par tout les orifices et emblématique du studio et surtout la volonté réelle de proposer une expérience ultra attractive bien au-delà du simple divertissement pop-corn. Véritable orgie visuelle et musicale grâce aux musiques et chanson d’Hiroyuki Sawano qui avait déjà magnifiquement opéré pour la musique de L’attaque des Titans et de Kill la Kill. Et des expériences loufoques et originales comme celle-là bien qu’objectivement imparfaites dans une industrie ou l’animation se retrouve bien trop souvent lissé par certaines productions occidentales, j’en redemande en masse et j’encouragerais toujours leur présence et leur succès dans nos salles quitte à devoir parfois sur-noter comme ici.

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le 10 août 2019

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