Bienvenue dans le monde des myopes!

Il y aura des spoilers dans ma critique!

Après une première partie intéressante, Premier Contact s'enlise dans une deuxième heure de dénouement idiot et niais à souhait. D'où ma mauvais note...

Le film commence bien, sur le fond en tout cas. On suit Louise, universitaire spécialiste du langage, qui est chargée par le gouvernement étazunien de comprendre les intentions des extraterrestres venus se poser dans le Maryland. Le pitch de base étant : le langage fait partie intégrante d'une culture; la langue et l'écriture reflètent la façon de penser et de voir le monde des individus de ladite culture; d'où la volonté de notre chercheuse d'apprendre le système d'écriture des aliens afin de les cerner.
Sur la forme, les scènes de contact avec les aliens sont impressionnantes, que ça soit l'image ou les sons et l'ambiance sonore (toutefois: Hans Zimmer, sors de ces aliens!). Mais ce qui est du film en général... bienvenue dans mon monde de myope! Sans mes lunettes/lentilles, je vois flou tout objet au-delà de 20 cm. Pendant tout le film, presque toutes les scènes sont filmées avec une profondeur de champ trèèèès courte; on est obligés de regarder l'élément net, en l'occurrence Louise, à tout moment, lors de plans fixes, mais aussi lorsqu'on la suit; on ne peut pas regarder, découvrir, l'environnement qui l'entoure, se balader dans l'image. J'ai limite eu mal au crâne, comme lorsque je traîne trop sans mes lunettes (5 min max quoi...). Ajoutez à cela des images sombres et mornes, des gros plans intempestifs de sujets en mouvement... Mais je serais passée outre, s'il n'y avait pas eu la deuxième partie, qui elle me donne envie de dézinguer tous les défauts du film.

Louise parvient à comprendre le système d'écriture extraterrestre. Il s'avère qu'il n'est pas linéaire, et qu'il est le témoin de la compréhension du Monde par les aliens: ils voient le présent et le futur. Donc Louise, en apprenant leur langage, arrive à faire de même! Tadaa! Donc toutes les visions niaises et gnagnan avec sa gamine, qui meurt ado, que l'on se tape depuis le début du film, sont du futur!
Là le scénario se casse bien évidement les dents, avec les "voyages" dans le futur, en commettant de fichus paradoxes temporels! Traiter des voyages temporels n'est jamais mince affaire, et il ne faut JAMAIS écrire des histoire sur ça à moins de connaître PARFAITEMENT le sujet sur le bout des doigts . Car sinon on se casse inévitablement la figure en pondant des histoires illogiques. C'est le cas de Premier Contact.
- Louise arrive à elle toute seule à calmer les ardeurs belliqueuses des Chinois en appelant leur général en chef; elle a eu son n° de tél et a su quoi lui dire parce que... celui-ci dans le futur le lui a dit! Non non et non! Si la Louise du présent ne savait pas ces choses, le Chinois du futur ne pouvait pas savoir qu'il devait les lui dire!
- Dès lors qu'on connaît le futur, celui-ci est forcément perturbé, changé. On ne peut pas continuer à se comporter de façon anodine en ayant cette connaissance, même la moindre déviation de notre part finit par avoir des conséquences. Donc tous les flashforward de Louise devraient être en constante évolution, voire dépassés au moment même où elle les voit. D'ailleurs, pourquoi serait-elle la seule a en avoir, parmi tous les gens partout dans le monde en contact avec les aliens?

Petit aparté: la violence des gens à la venue des aliens est ridicule et extrême, ainsi que la réaction parfois simpliste des divers gouvernements. A plus petite échelle, le camp militaire improvisé dans les plaines du Maryland semble complètement autonome de toute structure étatique, seulement une fois au détour d'une phrase est-il fait mention de la visite d'un gars du ministère de la Défense.

Dans cette 2e partie, l'intrigue principale avec les aliens devient secondaire; on se rend compte qu'elle l'a toujours été. Pourquoi ils sont là? Pour unir l'Humanité car dans 3000 ans ils auront besoin de nous? On en donne une explication pourrie, car on s'en fiche finalement de la raison de leur présence (quid des 12 vaisseaux posés complètement au hasard censés former un tout?). Car ZE histoire, c'est celle de Louise, qui découvre qu'avec son collègue Ian elle aura une gamine, gamine qui crèvera ado. Et qui décide, malgré cette triste fin, d'avoir la gosse! La phrase idiote, sirupeuse à souhait, que lui sort Ian à la fin, résume à elle toute seule le film:

You know I've had my head tilted up to the stars for as long as I can remember. You know what surprised me the most? It wasn't meeting them. It was meeting you.

"Oué, j'ai rencontré une espèce extraterrestre, mais bon, c'était ouf sans plus comme expérience, par contre, je n'ai jamais rencontré une meuf aussi ouf que toi!"
Premier Contact est un film sur Louise, les extraterrestres servent de décor seulement et d'explication à ses visions; ça se voit dans la façon de filmer (seule Louise est nette dans l'image), dans l'unicité des points de vue, l'unicité des sentiments, et finalement dans le pseudo twist de fin.
On s'en fiche de cette histoire extraordinaire, ce qui importe c'est l'histoire banale d'une nana qui veut avoir coûte que coûte un gosse.
Elle a épousé Ian et conçu cette gosse car elle l'a vu dans le futur. Elle pense donc qu'elle n'est pas maîtresse de son Destin, qui est entièrement prédestiné (écrit à l'avance) (j'ai écrit cette phrase, en premier lieu, avec le verbe "décider"; "elle décide donc..."; bah non, le choix n'existe pas si le futur est déjà tout tracé...). Donc la pilule, la contraception ou l'adoption, hein, même pas la peine d'y penser.
Cette femme, selon mon point de vue, n'est en plus qu'une sale hypocrite, ne pensant qu'à son seul bonheur: elle connaît la fin tragique de sa future fille. Mais à son mari, elle ne lui a pas demandé son avis. Et sa fille, a-t-elle une seule fois essayé de se mettre à sa place de condamnée?

Ce film, pourtant bien parti, s'enlise donc dans une histoire de voyages temporels, boursouflée de paradoxes temporels rendant le scénario complètement bancal et finalement stupide. L'histoire personnelle de Louise est le centre du film, au détriment de l'Histoire de l'Humanité qui devient insignifiante.
Interstellar m'a déçue, Midnight Special pareil. Ces deux films de SF tout comme Premier Contact ont reçu de magnifiques critiques. Suis-je trop exigeante, ou bien est-ce les gens qui s'emballent pour n'importe quel film sortant un peu de l'ordinaire, dans une période cinématographique pauvre et sans aucune prise de risque peuplée de franchises et reboots en tout genre?