D'où l'utilité de laisser certains films au placard de nos mémoires

Cela faisait quelques mois que le Blu-ray de ce film, qui m'avait bien marqué il y a de très nombreuses années, m'attendait. Et il y a quelques jours, en lisant un article consacré à la rétrospective Helmut Newton au Grand Palais, je me suis décidé à le revoir.


Que les choses soient claires, je suis tout sauf un admirateur du travail de Newton, toute son œuvre étant à mon avis discréditée par son pendant "Je vais choquer le bourgeois". Ses femmes dominatrices sur fond d'esthétique nazie, Newton les a exploitées jusqu'à la moelle, brandissant cela un peu à la manière d'un slogan publicitaire, et ramenant ainsi son art au simple rang de produit de consommation. La filiation entre ces photographies et l'esthétique de ce "Portier de nuit" étant une évidence, mon petit cerveau fainéant m'a donc guidé vers une relecture de ce film "scandaleux".


On sait bien que scandale au cinéma rime parfois avec fumisterie, et que dans ce cas, l'entreprise ne résiste pas forcément au nombre des années. Rien que pour cette raison, repasser au grill le film de Liliana Cavani fut un exercice passionnant mais aussi très cruel.


Esthétique proche des films érotiques des années 70-80, on se croirait chez Tinto Brass, la sensualité ébouriffante de Stefania Sandrelli en moins, une vision du syndrome de Stockholm manquant totalement de matière, et un traitement (voire une utilisation) de la Shoah qui laisse pour le moins perplexe, pour ne pas dire fou de rage. Et pourtant j'évite habituellement de mêler cinéma (et l'art en règle générale) et jugement moral, mais parfois, désolé, ça pue vraiment.


Restent donc deux petits points pour deux actes de vrai cinéma, et plus précisément pour deux plans : l'un, au début du film, où le regard en plan serré de Charlotte Rampling fait passer toute la frayeur du monde, et qui fait regretter qu'une telle subtilité n'ait pas été de mise pour les 120 minutes suivantes. Le second, tout dernier plan du film, que je ne me permettrai pas de dévoiler, mais qui fait montre d'une utilisation de l'architecture dans le cadre absolument remarquable.


Je suis triste, j'ai vieilli et un certain cinéma aussi.

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le 16 mai 2012

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takeshi29

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