nazis et sado-masochisme, sans faute de goût ?

Portier de nuit est, par essence, un film sulfureux. Il savait qu’il n’aurait pas droit à l’erreur sous peine d’être démoli de tous les côtés. Aussi, il s’attaque avec un sérieux total au développement de son histoire. Mais si Portier de Nuit ne manque pas d’idée, il manque de soufre. Clairement. Son aura provocante réside davantage dans son concept que dans son développement, puisqu’il reste au final assez peu développé. L’exemple le plus marquant est celui de ce général nazi homosexuel, reconverti dans l’art de la danse, qui se comporte de façon excessivement ambigue avec notre protagoniste portier, en lui demandant de l’assister dans ses entraînements au cours desquels il lui danse autour en tenue moulante. Un tel personnage, et les contradictions que son existence provoque, c’est de la dynamite sur le papier. Un personnage secondaire très riche dont on se réjouit à l’avance du développement (car cet axe dramatique était inattendu, et propice, dans le contexte où tout ce qui est bon pour faire disparaître sa croix gammée se doit d’être affiché au grand jour, ouvrait des horizons nouveaux). Mais rien de conséquent ne viendra développer ce personnage, qui finalement à sa place de personnage secondaire, dans le champ, sans que sa carrure soit élargie. Dans cette logique, la relation qui finit par se tisser entre la rescapée juive et son ancien bourreau, est développée à la fois par les attirances au présent (il est en position de faiblesse, à la merci de ses caprices), et via des flashs back muets mis en scène de façon un peu surréaliste, plantant une étrange ambiance de séquestration au milieu de nombreux prisonniers, les charmes de ce personnage étant à la fois la cause de sa survie et de ses « traitements particuliers », relation privilégiée avec l’officier responsable des expériences du camp. Mais dans le présent, les choses ne bougent pas beaucoup. L’attirance mutuelle semble vouloir nous amener vers quelque chose que nous n’atteindrons jamais, l’enjeu devenant rapidement de poursuivre la relation au nez et à la barbe des anciens nazis, qui voient évidemment d’un mauvais œil ce rapprochement contre-nature. Aussi ce qui nous était promis comme une relation sado-masochiste se révèle être une romance gentiment torturée, exposée avec une certaine pudeur, mais finalement sans grande portée. Les réactions radicalement contre condamnent davantage le concept que le film en lui-même, plutôt gentil à l’égard du sujet qu’il promettait de traiter. Il en résulte alors une jolie histoire, plutôt audacieuse dans son utilisation du contexte de traque d’anciens nazis, mais qui perd un peu de sa substance en cours de sa longue route (une demi heure aurait dû être retirée). Pas de quoi s’offusquer, ni vraiment crier au génie. Un simple bon film atypique.
Voracinéphile
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le 5 mars 2014

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