Triste mais vrai, il aura décemment fallu attendre l'été 2014 et sa composition tout en délicatesse dans le merveilleux Sils Maria d'Olivier Assayas, pour que la jolie Kristen Stewart décolle définitivement la lourde étiquette de starlette de péloches abrutissantes pour ados; celle-ci ayant pourtant été activement grattée sur le circuit indépendant ces dernières années (Sur La Route mais surtout Into The Wild, The Runaways et Welcome To The Rileys).


Résultat, un César de la meilleure actrice dans un second rôle dans la poche et plus d'une prestation remarquée plus tard (Café Society, Still Alice, la série B barrée American Ultra), la belle Bella a su intelligemment consolider son statut de star en devenir, tout en continuant à s'attacher à quelques projets bien bandants cornaqués par des cinéastes de génies (Billy Lynn's Long Halftime Walk d'Ang Lee mais aussi Certain Woman de Kelly Reichardt et Equals de Drake Doremus).


Dont Personal Shopper donc, nouveau long métrage d'Assayas, passé par la case Croisette en mai dernier.
La péloche suit d'ailleurs au pied de la lettre son titre, puisqu'elle s'échine à conter le destin de la jeune Maureen, une américaine fraichement débarquée dans la capitale et qui a pour profession de s'occuper de la riche garde-robe d'une personnalité médiatique.
Pour pimenter le tout, le cinéaste y superpose une histoire de fantômes et de quête mystique, car la belle attend justement que l'esprit de son frère jumeau, Lewis, disparu quelques mois plus tôt d'un arrêt cardiaque, se manifeste à elle.
Maureen est une médium, mais le spectre qui va répondre à son appel est finalement loin d'être bienveillant...


Voir Olivier Assayas s'attaquer à une ghost story avec sa nouvelle muse attise autant la curiosité que la crainte chez les amateurs du genre - dont nous -, tant on se demandait bien comment le frenchy pouvait apporter avec brio sa pierre à un édifice actuellement en plein boom dans les salles définitivement pas assez obscures; surtout que peu de cinéastes made in France ont su se montrer inspirer dans le cinéma horrifique ces dernières années.
Objet cinéphilique incarnant autant un film de fantômes urbain qu'un drame douloureux sur le deuil et la solitude, Personal Shopper surprend autant par sa singularité assumée que par la volonté (louable) de son metteur en scène à vouloir embrasser sans le moindre complexe, ce sous-genre du cinéma de genre.
Plus ou moins entre James Wan et Kiyoshi Kurosawa, entre une horreur à l'ancienne et pourtant très moderne à la fois, au sein d'un cadre parisien joliment réaliste (on retrouve bien le Paris du papa de Paris S'éveille), Assayas enveloppe lentement mais surement une Kristen Stewart lumineuse et impliquée, dans le voile froid et mystérieux des pérégrinations troubles d'une âme à la dérive et hantée - dans tous les sens du terme.


Fascinant et envoutant même dans ses travers (certaines scènes sont à la limite du ridicule, comme quelques partis pris hautement discutables), contemporain (on retrouve la fascination du réalisateur pour la société 2.0) et référencé (une scène d'échanges de textos tendu, rappellera au bon souvenir du Scream de feu le regretté Wes Craven), Personal Shopper, totalement focalisé sur son héroïne, trébuche souvent par maladresse tout en faisant étonnement mouche dans son souci de capter avec subtilité l'invisible, et d'offrir une peinture mélancolique de la solitude face à la douleur du deuil.


Coincé le cul entre deux chaises et chahuté à Cannes (malgré un prix - mérité - de la mise en scène), le nouveau Assayas en rebutera plus d'un, si tenté qu'il attire en masse les spectateurs en salles, vu sa sortie loin d'être évidente et sa campagne promotionnelle furieusement fantomatique...


Jonathan Chevrier


http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2016/12/critique-personal-shopper.html

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le 10 mars 2017

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