J'ai beaucoup, beaucoup aimé ce film. Est-ce que c'est un film féministe ? Ca se discute, mais je dirais oui, malgré que ce soit écrit par un homme et malgré les séquences de sexe infâme où une femme-enfant devient une prostituée. Ca ne me semble pas du tout incohérent avec le propos du film, et vouloir faire abstraction du monde surréaliste pour en faire une équivalence directe avec le monde réel ne me paraît pas très éclairé.
En regardant ce film je me suis dit "Tiens, je ne m'étais pas rendue compte que Voltaire avait écrit Candide pour les hommes et que comme tous les hommes il n'en a globalement rien à foutre des femmes."
Les plus gros reproches qu'on peut faire à ce film c'est qu'il a un message très simple, et qu'il y a peut-être des longueurs car il dure plus de 2h. Ces deux choses sont vraies. Au reproche de simplicité, je dirais que c'est un conte de fée assumé et qu'il n'est pas question de faire un exposé philosophique ni une exploration complexe et profonde de l'identité d'une vraie femme. C'est le propre du conte, et j'ai plutôt l'impression que ceux qui font se reproche veulent faire rentrer des choses dans des cases par rapport à ce qu'ils pensaient que le film aurait dû être, ce qu'ils pensent que le féminisme devrait dire, et du genre de film qu'ils avaient envie de regarder sur le moment. Au reproche de longueur, je dirais qu'il y a quand même une très belle direction artistique et que ça ne fait pas de mal d'accorder quelques minutes de plus aux fabuleux vêtements d'un film féministe quand on sait qu'il y a des films de branleurs comme le Hobbit qui prennent 3 films de 3h chacun pour raconter une histoire qui tient en un livre.
Les vêtements sont excitants ; le personnage principal est habillé comme une énorme bébé-poupée. Les décors sont chouettes, de la 3D pétée du début des années 2000 qui rajoute au surréalisme, quelque part entre La Cité des Enfants Perdu et un film de Wes Anderson. Le film est parfois un peu drôle, le genre d'humour où les personnages disent directement ce qu'ils pensent sans ambages. Même si les dialogues manquent parfois un peu de subtilité, je considère que c'est un parti pris du conte, qu'il puisse être compris par un enfant.
Il se dégage de ce film, pour moi, une très grande humanité : la manière dont est représentée l'enfant-femme à ses débuts avec ses crises de colère et sa volonté de tuer tout ce qu'elle voit pour s'amuser, une fidèle représentation de la petite enfance. L'éveil de la femme-enfant à la sexualité, elle ne comprend rien mais elle sait que c'est agréable, donc elle continue. A ceux qui reprochent une si grande focalisation sur le sexe... désolée mais c'est le centre du monde des adolescents et ça reste le centre du monde pour mal de gens qui ne quitteront jamais intellectuellement cet état immature, donc c'est juste fidèle à la réalité pour un film qui veut représenter la courbe d'apprentissage d'un humain. Le rapport à la prostitution montré dans le film comme vaguement embêtant plutôt que traumatisant me paraît normal pour un personnage qui n'a pas subit les pressions sociales de la honte, et le jeu d'acteur d'Emma Stone qui va de bébé sociopathe à femme déçue (notre voyage à toutes mesdames) me frappe au coeur.
Le personnage principal, présenté dans le film sous la forme surréaliste du cerveau de bébé dans le corps de sa mère, était une manière totalement géniale de générer un sentiment d'horreur universel pour mettre encore plus en exergue la notion abominable de femme-enfant, qui a pourtant cours tous les jours et qui présenté comme l'idéal des hommes. Quant aux hommes... les hommes dans ce film sont ce qu'il y a de plus réel, et jouent des rôles qu'on retrouve à chaque carrefour de la vie d'une femme. Des gens qui pensent avec leurs sexe, en vertu uniquement de leur sexe, qui essayent de la contrôler car ils n'ont que ça a faire.
Sur la fin : je pensais vraiment quand elle a ouvert le cerveau du type qu'elle allait y mettre le cerveau de son père adoptif - mais finalement non. Je ne suis pas sûre si elle finit par épouser son mec inutile qui lui apporte du gin, mais je choisis de penser que non.