Alors, tout ça pour ça ? Je pense que ma critique va être rapide parce que ce film ne m'a pas plu, et je risque de l'oublier rapidement. Je n’avais pas d'attentes particulières, je n’ai pas lu le livre, je ne suis pas un fan du réalisateur, et maintenant je me demande si ça vaut la peine de vous présenter ce film. Pour ceux qui ne sont pas trop cinéphiles, peut-être que ça peut passer, ou bien si vous voulez faire plaisir à quelqu’un ou emmener votre crush. Pour les autres, oubliez Poor Things…


L’histoire est assez simple : on va suivre Emma Stone, une femme-enfant littéralement, assez naïve, création du Dr Godwin Baxter joué par Willem Dafoe. Elle est promise à un homme assez faible, lui aussi docteur, incarné par Ramy Youssef. Très vite, elle décide de partir explorer le monde et ainsi faire des expériences en compagnie de Mark Ruffalo. Voilà pour les grandes lignes.


Concrètement, c'est un film superficiel, avec des images conçues pour séduire une partie du public et qui dira sûrement "c'est beau", alors que moi, je les trouve "moche". Alors bien sûr, ces images contribuent à créer une ambiance de conte, elles ne sont pas totalement gratuites et même si par moment j’ai pu apprécier des plans comme le clin d’œil à l’entrée du cabaret l’Enfer à Paris, en soi, elles n'ont rien de neuf. Je les ai déjà vues plein de fois dans des films hollywoodiens, chez Gilliam, chez Burton, Chazelle... En gros, pour être tout à fait juste, c'est un mélange de bouilli numérique baroque gonflé à des effets pastichés tirés de films dadaïstes en noir et blanc.


En ce qui concerne le sujet du film, il s’agit de réciter le dogme féministe qu’on commence à connaître par cœur maintenant. Il est déclamé sans originalité et à mon avis sans conviction profonde. Je ne crois pas du tout que le réalisateur soit obsédé par le féminisme, mais alors pas du tout, il a juste voulu faire une concession au Hollywood d'aujourd'hui. Et je me demande même s’il n’est pas cynique tellement le propos est simpliste. Que le film ait obtenu le Lion d'or au Festival de Venise 2023, ça me déconcerte. J'ai l'impression que le Lion d'or a perdu de sa valeur. Alors, cela dit, ça fait plusieurs années qu'ils ont pris un tournant commercial en récompensant des films venant des États-Unis, comme Joker, La Forme de l'eau, Nomadland, enfin bref. Il ne s'agit pas nécessairement de films hollywoodiens, en tout cas ils en ont l’aspect.


Pour en revenir à l’histoire pendant 2h20, l’idée est d’affirmer que les femmes sont sous la domination du patriarcat qui s’appliquerait à contrôler les mœurs, la sexualité, la liberté d’aller et venir, puis de l’enfantement, très bien, pourquoi pas après tout. Pour son récit, Lánthimos s’appuie sur le genre de la fable philosophique, un genre adapté à la satire, par ailleurs lorsque les personnages font escale à Lisbonne c’est sans doute un clin d’œil au Candide de Voltaire. Bref, la question est de savoir si sa démarche est convaincante. Bien, pas du tout, et c’est surtout dû à une erreur de construction. Dans Candide, Voltaire confrontait le point de vue qu'il critiquait à des situations extrêmes, mettant ainsi sa validité à l'épreuve. Cette démarche déductive provoquait fréquemment le rire devant l'absurdité des réactions des personnages qui incarnaient ce point de vue. Voltaire démontrait ainsi les erreurs de la thèse adverse en exposant son absurdité. Lánthimos, lui, n’a rien compris, il ne présente pas de manière crédible un point de vue masculin, et c'est là le problème, il rend totalement vaines ses caricatures. On se demande pourquoi il a choisi cette approche ? Car la thèse qu'il propose devient bête, on n’y croit pas. Le film paraît dès lors très vite lassant et prévisible parce qu’il ne fait que réciter un discours appris par cœur, sans réelle démonstration. Un exemple, le personnage de Mark Ruffalo est tellement caricatural qu’on a cerné sa personnalité en quelques scènes mais il continue d'apparaître tout au long du film, alors qu’il n’apporte rien de nouveau. Ce personnage incarne la jalousie, la possession, la violence, la bêtise, des traits de caractère qui pourraient soutenir la thèse de Lanthimos s'ils étaient uniquement liés à la masculinité, or ce n'est pas le cas. Ces comportements ne sont pas exclusivement réservés aux hommes. La construction du film repose largement sur cette approche, et tout tombe à plat.


Un autre exemple à un moment il a une bonne idée où Emma Stone découvre le socialisme et on s’attend à la voir participer à des réunions et à approfondir cette idée mais à aucun moment elle ne récite les textes socialistes de l'époque. Au contraire, elle déclame des idées simplistes qui n'ont plus grand-chose à voir avec le socialisme et on se dit : ce film est stupide. Puis elle indique qu’elle est son propre moyen de production bon déjà point wikipedia, la force de travail humaine on la classe dans les facteurs de production. Affirmer que l’homme est un moyen de production nous fait considérer l’être humain comme une machine, alors quelque part c’est pas éloigné de ce que présente ce film. Les humains sont traités comme des pièces mécaniques pouvant être réarrangées à volonté. C’est une vision complètement déshumanisée en contradiction totale avec le discours féministe du film sur les droits des femmes. Et on peut se demander si au fond, il s'agit davantage d'un film profondément misanthropique.


Bref, visuellement je ne critiquerais pas l’intention parce que ça fonctionne avec l’esprit du film, mais c’est pas du tout novateur, ni beau, c’est une image très proche des publicités de mode ou de certains photographes. J’ai trouvé ça très tape à l’œil mais bien réalisé. Bien entendu il y a également un petit discours écolo en supplément.


La seule chose remarquable, c’est qu’il s’agit du premier mauvais de l’année.

Naldra
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le 18 janv. 2024

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Naldra

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