Quand Yórgos Lánthimos revisite le mythe de Frankenstein

J'ai eu la chance de découvre Pauvres Créatures en avant première, le lundi premier janvier et après avoir vu ce film, on peut dire que l'année 2024 démarre très fort. Le film de Yórgos Lánthimos, réalisateur entre autres de The Lobster et La Favorite, ne vous laissera pas indifférent et c'est un euphémisme de le dire. Baroque, délirant, parfois gênant et visuellement époustouflant, Pauvres Créatures repousse toutes les limites de l'indécence. Que ce soit sur la forme ou sur le fond, tous les potards sont poussés à fond ... Yórgos Lánthimos n'y va pas de la main morte, quoi !

Pauvres Créatures c'est l'histoire de Bella (Emma Stone) une jeune femme ramenée à la vie par le docteur Baxter (Willem Dafoe) un scientifique brillant, mais un peu "fou" sur les bords. Il expérimente beaucoup dans son laboratoire et se soucis assez peu de l'éthique. Ainsi, lorsque Bella se suicide, il remplace son cerveau par celui de l'enfant qu'elle portait. Bella voudra alors apprendre, découvrir le monde, faire des expériences de la vie sous toutes ces facettes. C'est alors que Duncan Wedderburn (Mark Ruffalo) la prend sous son aile, fasciné par sa beauté et par son innocence. C'est donc ensemble qu'ils partent pour Lisbonne.

Pauvres Créatures c'est donc l'histoire revisitée de la créature de Frankenstein, sauf qu'ici la créature est une jeune femme, belle et fascinante et c'est le docteur qui ressemble à la créature de Frankenstein, répugnant avec toutes ses cicatrices. La direction artistique est magnifique, entre du Terry Gilliam, du Tim Burton et du Wes Anderson. On est pas du tout dans un univers réaliste, mais plutôt dans un univers fantasmé. On se situe à la fin du 19ème siècle, dans un univers steampunk à la Jules vernes. Il y a beaucoup de matte painting et certainement du fond vert pour donner vie à l'imagerie dingue du film.

Que ce soit sur le fond ou sur la forme, il y a une vraie évolution dans le film et la forme sert toujours le propos. La première partie à Londres est en noir et blanc avec des plans très serrés sur les visages, très certainement pour faire un hommage aux films de monstres des studios Universal dans les années 30/40 (les vieux Frankenstein et le vieux Dracula). Dans la même idée de convoquer les vieux films de monstres, la maison ressemble à un manoir et le laboratoire est au sous-sol. Bref, le décor est tout de suite planté. La deuxième partie à Lisbonne devient complètement baroque, avec toutes ces couleurs vives et saturées. Le champ de la caméra s'ouvre pour traduire l'ouverture au monde. Bella veut découvrir le monde extérieur et tout expérimenter. La troisième partie sur le bateau rabat toutes les cartes. Effrayé par les envies de liberté de Bella, Duncan l'emmène sur un bateau, espérant reprendre le contrôle sur elle. Le style de Yórgos Lánthimos est plus posé avec moins de couleurs vives. Aprés ses envies de découvrir le monde, maintenant elle réfléchie sur le monde. La quatrième partie à Paris est ma préférée, c'est la plus drôle et la plus intéressante du point de vue philosophique. Bella rencontre de nouvelles personnes, se socialise, s'émancipe en se prostituant et reprend le contrôle de sa vie. Le style de Yórgos Lánthimos est encore plus posé, avec peu d'effets de caméra, des plans plus larges et des couleurs plus harmonieuses. Puis, le final avec le retour à Londres nous offre un retournement de situation tout autant inattendu que jubilatoire, mais je n'en dirai pas plus pour pas spoiler.

Ensuite, un mot sur le casting s'impose. Willem Dafoe est excellent, toujours à la limite du surjeu, mais pour une fois j'ai vraiment l'impression que son interprétation est plus sobre que d'habitude. Et puis il arrive à nous faire oublier tout le maquillage (et probablement des prothèses) qui le rend répugnant au début. Il y a une vraie évolution dans le personnage, passant du potentiel grand méchant du film, au personnage terriblement attachant. Mark Ruffalo est la grosse surprise du film, son interprétation est à mourir de rire. J'étais plus habitué à le voir dans des rôles dramatiques, mais là il est excellent dans un rôle plus en dérision. Au début on le présente comme un dandy assez érudit, puis peu à peu le pathétique prend le dessus, jusqu'à en devenir complètement risible et ridicule. Comme pour le personnage du docteur Baxter, son évolution est très subtile et jamais on tombe dans le surjeu ou la caricature. C'est vraiment une performance à Oscar, au moins dans la catégorie des seconds rôles. L'autre performance à Oscar, c'est bien sûr Emma Stone. Que dire de plus qui n'a pas été déjà dit dans durant la promotion du film. Elle a obtenu le Golden Globe et probablement que l'Oscar lui est déjà destinée. Elle habite littéralement son personnage et on ne doute pas une seule seconde qu'elle incarne un enfant dans le corps d'une femme. Son personnage va évoluer par petites touches tout le long du film, jusqu'à devenir la femme forte et consciente du pouvoir qu'elle peut exercer sur les hommes.

Bref, Pauvres Créatures est un film ambitieux et qui porte la patte de son réalisateur Yórgos Lánthimos. C'est un vrai film d'auteur avec une direction artistique fantastique et des performances d'acteurs incroyables. C'est déjà probablement mon film de l'année 2024. En tout cas, ça va être très dur de le détrôner dans mon esprit.

lessthantod
9
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le 20 janv. 2024

Modifiée

le 20 janv. 2024

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lessthantod

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