On continue sur notre lancée de cinéma asiatique avec l’un des films les plus marquants de l’année d’après les critiques et d’après sa nomination aux Golden Globes ! 


Est-ce mérité ? ABSOLUMENT


Past Lives est un de ces films basé sur une idée, qui parle à tout le monde, universelle et dont on a forcément tous déjà été confronté : les souvenirs d’un amour de jeunesse, ce spleen qui nous recouvre quand certains souvenirs ressurgissent. C’est en plein dans ce thème que Céline Song navigue pendant près de 2h, à mon plus grand bonheur.


Dès le premier plan séquence, le film donne le ton. Ce plan est juste parfait, emprunt d’une tension entre chaque personnages. On ne les connaît pas encore mais l’on peut deviner toute la psychologie et la tension qui se dégage à travers leur regard, les attitudes ou leur posture. Ces premières minutes suffisent pour nous apprendre toute l’attraction entre Nora et Hae Sung (ce malgré la présence de son mari oups). J’ai été personnellement frappé par le charisme de Céline Song, son regard, le caractère félin de son visage et ce regard qui vient transpercer la caméra… 


Le film est structuré en 3 parties, chacune traitant de la relation entre Nora et Hae Sung à différentes parties de leur vie (enfant, jeunes adultes et adultes à la trentaine). Leur relation enfant est assez anecdotique et permet essentiellement de poser le récit. Elle réapparaît à quelques moments stratégiques pour venir souligner certaines scènes, soulignant le côté puissant de leur relation, que certains automatismes sont ancrés depuis longtemps et que l’on n’efface pas son passé aussi facilement…


La seconde partie nous fait découvrir leur retrouvaille à travers une relation à distance sur Skype… Si elle est à mon sens un poil longue pour les enjeux qu’elle apporte, elle reste tout de même intéressante et permet de souligner les quelques contrastes qui se sont creusés entre les deux personnages. Nora a pris l’âme d’une new-yorkaise tandis qu’Hae Sung est resté plus mesuré à l’image de la vie à Séoul. Pour aller au-delà, je dirai même qu’ils sont à l’image de leur ville, elle fait partie d’eux. 


L’ultime partie est celle marquant le plus les esprits. Tout le début du film a posé les bases vers la réunion des deux personnages. Et au lieu d’aller sur l’un des schémas classiques que l’on connaît et que l’on a vu 1000 fois (à savoir deux personnes qui se draguent et qui se remettent ensemble en 10 secondes), on a une vraie situation réaliste et hyper poétique de bout en bout, intelligente. 


J’ai aimé toute la philosophie derrière leur retrouvailles, ce n’est pas un acte désespéré d’Hae Sung mais plutôt une manière pour lui de mettre des mots sur ce qui aurait pu être l’histoire de sa vie. Et de ça en découle des dialogues intelligents, beaux, des paroles qui touchent. 

Honnêtement je me suis délecté de chacun de leurs moments passés ensemble, comme si l’on voyait ce que la vie aurait pu être… 


Il faut donner du crédit à John Magaro pour l’ensemble de son œuvre. Il tient le rôle du mari qui voit sa femme passer du temps avec son amour de jeunesse (qui pourrait être vu comme une menace) avec une dignité, une compréhension assez déconcertante. A travers son regard, le ton rassurant qu’il arrive à imprimer et son visage d’artistes détaché il est le personnage parfait pour mettre en lumière l’alchimie entre les deux personnages principaux (le fait que ce soit le petit blanc juif aussi marqué un contraste face à deux coréens).


Cette alchimie parfaite nous mène aux dernières vingt minutes du film qui sont pour moi d’une justesse déconcertante, qui sortent du temps tellement elles sont réussies. On retrouve une certaine tension que l’on avait à l’openning du film, mais cette fois-ci avec tous les éléments à disposition.

Toute la scène pourrait nous faire penser à un flirt osé mais il s’agit simplement de deux personnes se remémorant leur ancien « eux », ce qu’ils sont devenus sans réelles arrières pensées. 

La scène d’au-revoir reste encore gravée dans ma mémoire… je n’ai pas le souvenir d’avoir connu une tension aussi palpable dans un film… Juste deux personnes marchant dans la rue, un travelling horizontal dans un plan américain et c’est tout. Sans se dire un mot, on arrive à être dans leur tête et l’on devine toutes les tempêtes qui s’abattent en eux.

L’attente du Uber, face à face, se regardant dans les yeux est un GRAND moment de cinéma, et j’ose les termes ! Le temps s’est suspendu, a tenu en haleine toute la salle pour capter l’entièreté de nos sens. Leur regard parle, bercé par le léger son du vent… Les frissons. 

J’ai aimé le parti pris pour la toute fin du film, où l’on voit enfin Nora « fragile » et qui s’effondre en larme dans les bras de son mari, mesurant enfin l’importance qu’avait Hae Sung dans sa vie.


Enfin bref, Past Lives est un film à part, comme transporté dans sa propre temporalité, immaculé du monde extérieur. La thématique de l’amour « impossible » entre deux personnes n’est plus une histoire de conquête mais plutôt de compréhension, d’apprendre à reconnaître l’autre, admettre que la personne aimée il y a 20 ans n’est plus la même qu’aujourd’hui et accepter que la vie va ainsi. Dieu merci de nous avoir offert ces dernières scènes qui resteront gravées dans ma mémoire pendant un moment. 


PS : je n’en ai peut-être pas assez parlé, mais la mise en scène / photographie est raffinée, nous offre de magnifiques plans rapprochés mais aussi des plans d’ensemble jouant sur la lumière et les contrastes. Une copie parfaitement maîtrisée et souligné par de belles musiques, avec en prime « See You » à la fin, magnifique balade au piano qui souligne idéalement l’une des scènes les plus marquantes de ma vie cinéma.

TheBiks
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le 25 déc. 2023

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