Kaiju : mot japonais désignant un monstre géant
Jaeger : mot allemand signifiant chasseur

Jaillissant de la Brèche, un passage interdimensionnel, des monstres géants, les Kaijus, attaquent l’Humanité. Celle-ci réagit par la création d’exosquelettes géants de combat, activés par deux pilotes connectés par un « pont neuronal » : la « dérive ». La bataille pour la Terre s’annonce dantesque.

Aux commandes de ce blockbuster estival aux accents de manga aux hormones, Guillermo Del Toro, reconnut du Labyrinthe de Pan au dyptique d’Hellboy pour son univers particulièrement fécond visuellement. On pouvait à ce stade se demander ce qui l’a amené sur ce projet, hormis son intérêt affiché pour les mangas et films de Mecha-kaijus (car le terme est celui employé traditionnellement au Japon pour désigner les monstres géants).
Sur le papier Pacific Rim peut apparaître comme un « Evangelion sauce ricain », mais comme les apparences sont trompeuses et les préjugés faciles, tomber dans cette extrémité simpliste relèverait de la grossière erreur.

Un petit point d’abord peut être sur le concept même de kaiju et de Mecha, qui fait partie intégrante d’une culture populaire d’après guerre japonaise dont on ne peut faire l’économie d’un rappel si l’on veut savoir dans quoi on s’embarque avec ce film.
Ainsi les « Kaiju », monstres gigantesques et implacables, sont la personnalisation de grandes peurs contemporaines, qui tendent à l’incarnation d’une culpabilité collective de l’Humanité. Le premier d’entre eux, et le plus connut d’ailleurs, est bien sûr l’attachant Godjira ou « Godzilla », incarnation du feu atomique dans un immense dragon mutant surgit des flots. Notez que ces incarnations prennent forme dans des créatures ayant pour la plupart des liens avec des animaux jaillissant des vieilles traditions. Le mélange de l’ancien et du moderne conjugué dans une force terrifiante, indestructible et causant des ravages de masse. Bien sûr on pourrait considérer que la flopée de Kaijus nait au fil des décennies dans le sillage de Godzilla fut plus un déploiement marketing s’étant constitué en icône pop (dont le film serait d’ailleurs un hommage)…mais ceci est un autre débat.
Les Mecha, des exoarmures géantes commandées par des pilotes trouvent elles naissance dans les mangas, dans l’explosion technologique au japon dans les années 80, et finalement pourquoi pas comme une réponse rédemptrice de l’humanité face aux kaijus représentants ses propres démons.

Après cet instant « l’Histoire peut te servir jeune Padawan » que peut-on dire du film a proprement parlé. Pour ma part c’est une vraie et franche réussite qui surclasse la plupart des blockbusters SF ou comics de l’été déjà en salle (je parle du trop plat Man of Steel et du relent gastrique World war Z sur lesquels on reviendra aussi promis). S’il n’atteint pas le niveau d’un Star Trek into the darkness (et ce n’était de toute façon pas son ambition) il parvient aisément à remplir son rôle et de divertissement jouissif et d’hommage à la culture du genre. Trois éléments m’ont convaincus dans ce sens : le respect absolu aux codes du genre, son inventivité périphérique et la gestion de la 3D enfin à la hauteur depuis Avatar.

Pacific Rim est un film de genre, il est même la synthèse des codes du genre. S’il a été occidentalisé, Hollywood oblige, ses cadres et sa structure restent intimement liés aux productions nippones, manga ou films. Le visuel des monstres et des Mecha, la liste de personnages hautement archétypaux (le vétéran impassible, la guerrière nippone mi enfant mi samourai, le pilote sur le retour, le savant fou..etc), tout un ensemble de postures héroïques et le rythme narratif même du film qui se calque sur les crédos du genre. S’il est indéniable qu’une dose américaine y a été injectée (ne serais-ce que par l’intermédiaire du héros), celle-ci se fond plutôt bien avec un ensemble qui reste résolument tourné vers le Japon. Le danger dans le respect des codes c’est bien le nivellement de l’apport personnel d’un réalisateur. Si l’on est forcé de constater que Del Toro n’est pas au top de ces productions antérieures, il faut néanmoins reconnaître que sa patte si reconnaissable est présente, de manière plus diffuse, comme s’il avait voulu placer l’objet avant l’œuvre personnelle. On reconnaît d’abord la griffe du père du Labyrinthe de Pan dans son choix de couleurs, primaires, tranchées et vives qui fondent les oppositions et surlignent les actions. Le choix visuel ensuite des costumes et de l’intérieur des Mécha, très mécaniques, vérins, bielles et rouages sont omniprésents (rappelez-vous Pan, les Hellboy ou Cronos), renforçant paradoxalement le caractère humain du film, et évite à celui-ci de sombrer dans un tout-technologie qui lui aurait été fatal.

Autre élément majeur à mon avis, son inventivité périphérique. Terme prétentieux en apparence mais qui décrit bien je trouve la grande force du film. Ce long métrage existe au-delà et même surtout en dehors des scènes de baston tout-numérique. Les idées qui gravitent autour des combats de géants poussent le film ailleurs, permettent à cet univers de prendre corps, d’atteindre une densité et une profondeur de possibilité qui élève le tout au-dessus du simple appareil à générer de la destruction de masse. Le mur de la vie, le pont neuronal et la Dérive, le souvenir de Mako, les pillards de Kaijus et plus généralement le principe d’une Humanité vivant avec ceux-ci (quartier construit autour d’un des squelettes géants..etc) autour de petits ajouts indispensables.
Les combats (peu nombreux au demeurant) sont alors un appoint illustratif à cet univers et ne dévorent pas le reste du film comme c’est le cas avec Man of Steel par exemple. Autre exemple abondant dans ce sens, le rapport entre personnages et de manière corollaire avec les Mechas. Si les personnages sont volontairement stéréotypés, au même titre que le scénario, leurs rapports évitent les écueils prévisibles qu’une production hollywoodienne classique aurait exigée. C’est le cas du trio central héros-vétéran-rookie qui s’extirpe de l’attendu décevant pour atteindre un prévisible plaisant. Il en va de même pour le déroulement narratif dont on cerne facilement les grandes lignes, mais qui étonne par ses originalités internes, ou encore une fois, périphériques.
On peut aussi reconnaître a Pacific Rim et a Del Toro d’avoir évité de sombrer dans la catégorie du tout-numérique pour recentrer inlassablement son propos vers ses personnages, vers l’humain à l’intérieur de la machine. Le film effectue sans cesse un retour vers ces cabines de pilotages, vers ces hangars géants grouillant d’humains, vers ces couloirs exigus où seuls les Hommes peuvent être maîtres de l’écran. L’homme maîtrise ici sa titanesque technologie comme le réalisateur maîtrise ses effets à plusieurs dizaines de millions de dollars.

Dernier point d’immense satisfaction, la 3D. On avait presque oublié que celle-ci pouvait apporter quelque chose d’autre au cinéma qu’un surplus pécunier pour les salles et producteurs. Ici la profondeur permise par cette technologie est intelligemment employée vers un seul effet incontournable : l’immensité.
Qu’est ce qui est le plus important dans un film de monstre géant, réussir le monstre ou la ville qu’il écrase sous ses pattes ? La réponse est bien évidemment l’environnement dans lequel évolue la créature fantasmagorique, et Del Toro n’a pas oublié que la force du premier Godzilla résidait dans la variation d’échelle permise par les superbes maquettes de Tokyo.
Dans Pacific Rim point de maquettes, mais un Mur de la Vie vertigineux, des hangars absolument gigantesques, et des variations d’échelles parfaitement géniales. Car tout est là, en inspirant l’immensité dans ses décors, le film parvient à hisser les combats au niveau qu’ils méritent : l’affrontement entre titans de fer et de chair. Ce sont des détails, tantôt un oiseau qui s’envole, tantôt deux australiens téméraires sortis de leur machine, qui permettent une valse des proportions qui projette le spectateur au cœur même d’une action dont la taille dépasse l’entendement humain. Quant aux combats à proprement parlés, ils sont évidemment impressionnants, mais surtout maîtrisés, bien rythmés et lisibles, ce qui fait toute la différence avec des productions récentes où les effets entraînés par leur propre potentiel, s’annulent dans un caractère brouillon.

Pour conclure je me permettrais de mettre en garde contre des comparaisons qui peuvent interférer avec une vision sereine du film. Non Pacific Rim n’a rien à voir avec l’effroyable et épileptique saga des Transformers. D’abord d’un point de vue très tatillon parce que les Jaegers sont des machines pilotés par deux humains connectés, ceux sont simplement des outils, et non des extraterrestres débiles copiant des camions GMC. Ensuite parce que la qualité cinématographique pure n’a rien à voir. Michael Bay est un boucher qui utilise les effets à sa disposition pour détruire le système nerveux du spectateur, lui en mettre plein les sens mais surement pas plein la vue. Del Toro, lui, livre un film (qui est un film déjà) équilibré, rythmé, impressionnant, où les acteurs sont concernés (magique Ron Perlman), drôle mais pas vulgaire ou potache, respectueux d’un genre et de son propre cinéma. Bref il n’y a pas photo, aucune comparaison possible, ni de près ni de loin, ni de dos dans le noir dans un caisson en plomb…

Pacific Rim est un blockbuster comme on les aime, divertissant, impressionnant, qui a l’intelligence de pas se prendre au sérieux (et c’est pas gagné ces derniers temps). On peut l’aimer parce qu’on adore la culture Kaiju, on peut l’aimer parce qu’on apprécie les films d’actions SF bien fait…après si l’on ne se détache pas des apparences (et ça c’est un combat de toujours), ce n’est qu’un film de robots et monstres géants sauce ricaine…

Voyez et jugez c’est encore le mieux à faire
Tom_Bombadil
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le 22 févr. 2015

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Tom Bombadil

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