Quand la femme de Nick disparait pour leur anniversaire de mariage, une mécanique infernale se met en route.
Un nouveau film de Fincher s'attend toujours avec un intérêt certain. Le dernier, le remake de Millenium, avait fini de me convaincre sur les limites que le réalisateur doit encore dépasser pour atteindre la plénitude de son cinéma. Dépasser le brillant formalisme qui transparait dans ces ambiances incroyables pour investir avec une véritable énergie son récit.

Gone girl y est-il parvenu? Je ne le crois pas, hélas.

Gardant le cap fixé avec Millenium, le film s'ancre ici dans une ambiance figée, froide, particulièrement déstabilisante (comme à son habitude). Elle est d'ailleurs d'autant plus efficace que Trent Reznor et Atticus Ross ont rempilé pour une BO aux petits oignons, participant à cette atmosphère lourde qui pèse sur chaque plan. Néanmoins l'effet semble émoussé, il est en tout cas ici moins tranchant que dans "Millenium" et moins suffocant que dans "Zodiac".

L'écriture ensuite, remarquable, est tout aussi ambiguë. On reconnaitra l'incroyable subtilité, la méticulosité dans le montage et les dialogues. C'est implacable, imparable, et l'on est pris de manière jouissive en otage de cette construction d'orfèvre. Mais pour autant il manque (comme il manque dans presque tous les films de Fincher) cette touche de chaos, d'inattendu, cette variable hasardeuse qui non content d'apporter une étincelle d'humanité, amènerait le spectateur à sortir de sa contemplation passive.

Et tout le problème de cette mécanique (trop) bien huilée, c'est qu'elle atténue grandement le propos de l’œuvre. C'est d'autant plus dommage que Gone girl brasse un grand nombre de thèmes, de la société médiatique à la société du soupçon, en mettant comme à son habitude au centre de tout ça des rapports humains nécessairement en trompe l’œil. D'ailleurs la vision de l'être humain, de ses échanges, est plus encore qu'avant teintée d'un fatalisme qui flirte avec un certain cynisme. Fincher ne prend pas parti, reste à bonne distance, filme froidement ces petits êtres mesquins se déchirer futilement. Du coup il atteint presque une autocritique non voulue en prenant place parmi ces caméras carnivores qui cherchent à tous prix à pénétrer l'intimité tout au long du film.
Dans "The Social Network", la distance jouait clairement en faveur du film, dans "Zodiac" également, tant on cherchait à pénétrer des mystères ou de pesantes énigmes.

Ce manque d'implication dans le sujet me parait dommageable ici. Le film largue très vite ses enjeux dramatiques, ne laissant plus que le théâtre des âmes humaines comme seul objet d’intérêt. Dès lors, en ne l'investissant pas complétement, en se cantonnant à dérouler (brillamment) les restes de la mascarade, le film s'endort quelque peu dans la passivité, sans heureusement céder à la fin à la facilité.

Bref Gone girl est à l'instar de "Interstellar" de C. Nolan un bel objet que l'on apprécie d'admirer, mais qui ne passionne pas plus que ça.

Pour moi une des œuvres les moins percutantes de Fincher, à ranger aux côtés des ultra formalismes que sont "The Game" et "Fight Club" pour l'écriture, et "Benjamin Button" pour l'ambiance émoussée.
Tom_Bombadil
6
Écrit par

Créée

le 22 févr. 2015

Critique lue 297 fois

2 j'aime

Tom Bombadil

Écrit par

Critique lue 297 fois

2

D'autres avis sur Gone Girl

Gone Girl
Sergent_Pepper
8

Amy pour la vie

Brillantes, les surfaces de verre et les chromes étincelants des 4x4 d’une suburb impeccable du Missouri. Brillante, la photographie d’un univers bleuté, haut de gamme, au glacis de magazine. Beaux,...

le 22 oct. 2014

223 j'aime

22

Gone Girl
Kobayashhi
8

Lettre ouverte...

David Fincher, Il a fallu attendre que tu entres dans ta cinquième décennie pour réaliser ton plus beau film, il faut dire que contrairement à certains je ne t'ai jamais réellement voué un culte...

le 10 oct. 2014

180 j'aime

12

Gone Girl
Docteur_Jivago
8

American Beauty

D'apparence parfaite, le couple Amy et Nick s'apprête à fêter leurs cinq ans de mariage lorsque Amy disparaît brutalement et mystérieusement et si l'enquête semble accuser Nick, il va tout faire pour...

le 10 oct. 2014

170 j'aime

32

Du même critique

Le Conte de la princesse Kaguya
Tom_Bombadil
8

Chronique flash

Moins connu que Hayao Miyazaki, Isao Takahata n'en est pas moins un géant de l'animation japonaise. Réalisateur notamment du "Tombeau des lucioles" et de "Pompoko" il signe ici la derrière œuvre de...

le 22 févr. 2015

2 j'aime

Les Gardiens de la galaxie
Tom_Bombadil
8

Chronique flash

Pas besoin d'une longue chronique pour mettre en avant les qualités de la nouvelle production Marvel, que l'on hésitera pas ici à hisser au niveau de Avengers. Le pari risqué des gardiens était...

le 22 févr. 2015

2 j'aime

Gone Girl
Tom_Bombadil
6

Chronique flash

Quand la femme de Nick disparait pour leur anniversaire de mariage, une mécanique infernale se met en route. Un nouveau film de Fincher s'attend toujours avec un intérêt certain. Le dernier, le...

le 22 févr. 2015

2 j'aime