Chronique flash

Moins connu que Hayao Miyazaki, Isao Takahata n'en est pas moins un géant de l'animation japonaise. Réalisateur notamment du "Tombeau des lucioles" et de "Pompoko" il signe ici la derrière œuvre de sa carrière, et quelle œuvre!

Le film s'appuie sur le conte japonais traditionnel du coupeur de bambou, un texte fondateur de la littérature japonaise. C'est donc un retour à la sève originelle, celle du récit en général mais aussi de la narration. D'aucun dirait que c'est un conte "classique", ce qui relèverait du pléonasme le plus absolu puisque en effet quelque soit la civilisation, le conte est le socle primitif de toute relation à la fiction, au récit et à la morale.

Et bon sang qu'il est rafraichissant qu'un retour soit fait à cette simplicité, sans les apparats industriels et modernisés de beaucoup de production plus manipulatrice de contes que relai de contes ( n'en déplaisent aux inconditionnels de Disney par exemple, mais tout cela n'est pas forcement péjoratif, d'ailleurs c'est Disney qui distribue le film).

Il serait hasardeux d'ailleurs de voir dans cette simplicité une forme limitée de récit car le conte recèle une foultitude de messages moraux bien sûr, mais plus encore ici universaliste. Le récit est imprégné de bouddhisme et aborde de front le sujet de l’éphémère, et son corollaire humain, la mort.
Cette vision cyclique et lunaire est servie ici par une autre simplicité, graphique et visuelle celle-ci.

Disons-le clairement: le film est SUBLIME.

Entre estampes et esquisses le récit est illustré d'un coup de crayon léger et vif, véritable transport de beauté, un canevas fabuleux et coloré. On assiste à une incroyable œuvre d'art vivante magnifiant comme souvent au Japon la nature, faune et flore autant que l'inscription harmonieuse de l'humain dans ce décor grouillant de vie. On n'est pas là dans le message forcé, "green" et écolo-intéressé d'un Pocahontas mais bien dans la célébration du vivant, de la vie débordante de couleurs, et de la mort, indispensable pour l'avenir et le souvenir.
Contemplatif, le récit se déroule lentement, avec la douceur d'une histoire racontée par un être cher, ces histoires qui conditionnent tant de choses. Cette tendresse prend par la main petits et grands pour pénétrer la fiction, pour simplement se glisser délicatement dans les replis d'une belle histoire.

Bref une immense œuvre universelle, humaniste, à la beauté foudroyante et qui diffuse une sincérité plus que bienvenue dans une société de cynisme et de faux semblants permanents.

Le conte de la princesse Kaguya n'est pas qu'une histoire pour enfants, c'est une grande histoire pour tous ceux qui n'en finissent pas de rêver, de s'émerveiller, sans jamais pour autant fermer les yeux sur le monde.

Après le "Vent se lève" de Miyazaki, c'est donc encore un somptueux baroud d'honneur que nous livre un géant de l'animation japonaise, décidément une des plus vivifiantes sur cette planète