C’est dans la fin des années 1980 que Brian de Palma décide de faire son film de guerre au Vietnam, qui est devenu un genre cinématographique en tant que tel. Mais au lieu de disséquer la guerre dans sa violence de tranchée, ou dans la terreur des batailles, le réalisateur américain, avec Outrages, préfère s’intéresser à ce qui se déroule en hors champ, là où la monstruosité et le mensonge se font encore plus terrifiants.


Au fur et à mesure des années, la guerre du Vietnam a été l’un des sujets les plus prolifiques pour les plus grands cinéastes contemporains. C’est dire à quel point cette guerre a influencé l’héritage et la mentalité américaine de l’époque. Il faut dire que les thématiques à traiter sont nombreuses et permettent un large éventail d’interprétations. Chacun y a ajouté son grain de sel et y a dévoilé sa propre vision des choses. Que cela soit Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, Platoon d’Oliver Stone, Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino, ou même, Full Metal Jacket de Stanley Kubrick.


L’âme humaine, la déshumanisation progressive due au conflit, le contexte d’omerta et d’intérêt général d’une armée, la porosité des raisons du conflit sont au cœur d’un film, qui, derrière une affaire de mœurs, parle avec encore plus de profondeur des méfaits d’une guerre sur l’Homme. Par esprit de vengeance, le commandant d’une patrouille décide de kidnapper une jeune vietnamienne pour que lui et ses hommes puissent la violer et la tuer. Tous participeront à cet acte barbare, sauf la jeune recrue, Eriksson. A partir de là, Outrages va devenir un bras de fer, un face à face moral et hiérarchique entre deux hommes. Incarné par Sean Penn et Michael J. Fox, le film se veut âpre et régule sa mécanique autour de la justice morale et la déshumanisation presque logique d’humains devenus des animaux.


Outrages, comme souvent chez Brian de Palma, se sert de ce contexte pour n’en faire qu’un simple fil rouge figuratif. Ce qui le touche principalement dans ce récit, c’est le symbole de la vérité donnée, c’est la croyance ou la défiance en un système qui se protège malgré ses actes horrifiques. Outrages, à sa manière, dénonce l’armée américaine et l‘instrumentalisation de sa venue au Vietnam, mais aussi de la place et de la conséquence des images véhiculées, comme dans Snake Eyes et d’autres de ses œuvres : à savoir, notre position par rapport au voyeurisme et la complicité même du témoin ou même du spectateur. Cependant, dans cette guerre qui devient interne, où l’armée américaine se divise, c’est une tragédie insidieuse qui se noue.


Mais derrière cette insurrection, Brian de Palma n’en oublie pas non plus de parfois tenir au cahier des charges du film de guerre des scènes de combats, notamment celle dans les souterrains des tranchées ennemies où Meserve sauve Eriksson. Là où Snake Eyes ne devait qu’être qu’une enquête policière, Outrages ne devait être qu’un film de guerre. Sauf que De Palma en fait des thrillers politiques sur le code d’honneur, l’étroite limite de la fraternité, la promiscuité avec la mort et le nivellement par le bas de la hiérarchie. Pourtant, derrière la maîtrise incessante de Brian de Palma sur son sujet, à la fois dans sa mise en scène, de son montage alterné, de son cavenas alambiqué, sa tenue en tension, Outrages peine à émouvoir ou à toucher du doigt l’humain que nous sommes, à cause du surjeu de ses acteurs.


Se donnant souvent le mot à travers des dialogues symboliques et à la vision du monde différente, Sean Penn et Michael J. Fox emprisonnent par moments le film dans un cabotinage un peu éhonté, qui, par sa théâtralité, dessert le film. Quoi qu’il en soit, De Palma a toujours aimé rajouter cette touche de vulgarisation dans l’antre même de ses œuvres : Outrages ne diffère pas de la filmographie de son auteur. Parfois un peu bancal, trop schématique dans sa manière de lire son cas de conscience entre le bien et le mal, le film n’en reste pas moins une convocation hybride et passionnante du monde de la guerre et de ses enjeux invisibles.


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Velvetman
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le 3 juin 2018

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