Que faire d’OSS 117 ? L’agent secret de son petit nom Hubert Bonisseur de La Bath a été très populaire dans la deuxième moitié du XXème siècle, avec une longue série de romans d’espionnage d’abord écrits par Jean Bruce et même une dizaine de films entre 1959 et 1971 (quelle santé !).


Mais ces œuvres assez sérieuses, faites d’espionnages à travers le monde, de meurtres, de combats et de belles femmes, ont été depuis éclipsées par la popularité d’un autre espion, l’anglais James Bond 007. Peu importe qu’OSS 117 ait été crée avant, et que même son premier film précède Casino Royale, l’espion anglais est devenue la référence. Faire revivre OSS 117 dans son ton de l’époque ne créerait que des comparaisons pas si évidentes à soutenir.


Peut-être pourrait-on reprocher à ce nouveau film de ne pas tenter de jouer la compétition avec Bond, mais la direction choisie est plus maligne. L’espionnage sérieux devient un détournement à l’humour parodique mais pince-sans-rire dans un contexte très vieille France, celle de la Quatrième République et de son président René Coty, qu’on aurait aimé un peu plus découvrir. En effet, comme son titre l’indique, l’agent français est rapidement envoyé dans le Caire de 1954, nid d’espions au contexte troublé.


OSS 117 est ainsi sans cesse renvoyé à son incompréhension de ce monde par la belle Larmina et par d’autres personnes, bien qu’il ne sera parfois pas contredit. Il ne se rend d’ailleurs pas forcément compte de ses manquements. Son attitude se veut bienvaillante, elle est le plus souvent paternaliste. Comme le lui dit un des personnages « vous êtes très Français, en fin de compte ».


Mais malgré une certaine bêtise ou une certaine prétention, jamais poussées à des extrêmes, le film peut ridiculiser son héros, il n’en reste pas moins le personnage central, avec malgré tout un bon fonds, une réelle détermination. Jean Dujardin est formidable dans un rôle pas si évident, toujours à la balance entre le sérieux et l’exagération, parfois fier comme un coq, parfois puéril comme un petit enfant. Il a ses sourcils agités, son rire éclatant et faux, mais aussi toute une posture qui caricature la figure de l’agent secret habituel, entre flegme de bonne compagnie et scènes de combat plus outrancières. La figure de Sean Connery n’est jamais loin.


Ses dialogues sont d’ailleurs hilarants. Dans son ton parfois paternaliste, parfois dragueur, il se ridiculise fréquemment sans jamais tomber de son petit piédestal. Ses déductions ne le mènent jamais bien loin, ce sont le plus souvent d’autres personnages qui font avancer son enquête. Il pratique un humour très vieil almanach, aux jeux de mots faciles mais qui possèdent un charme passé.


Les répliques du film et son scénario sont de la main moqueuse de Jean-François Halin, auteur des Guignols de l’info dans les années 1990 ou des émissions de Groland dans les années 2000, qui a aussi co-écrit de nombreux spectacles de Patrick Timsit. Quelqu’un qui n’a pas la langue dans sa poche, mais qui utilise aussi ses talents pour que ce film soit à la fois fidèle à un certain état d’esprit des romans d’espionnage avec leurs péripéties attendues mais aussi avec un humour un peu plus parodique, mais jamais trop exagéré. L’équilibre n’est pas évident, et certaines scènes du film peuvent désarçonner, le film est drôle mais ne provoque pas souvent l’éclat de rire franc, il ne le cherche d’ailleurs probablement pas.


Ce jeu d’équilibriste se retrouve d’ailleurs à la réalisation de Michel Hazanavicus, cinéaste cinéphile (et l’inverse), à l’humour certain mais pas forcément là où on l’attend. Sa co-création avec Donique Mezerette La Classe américaine : Le Grand Détournement reste pour beaucoup le sommet d’un humour de la citation. Pour le premier OSS 117, son premier succès public, il s’attache à retrouver un certain état d’esprit des vieilles productions de ces années, avec des trucages évidents comme ces parcours en voiture sur fonds vert (ou déroulant à l’époque) et ses scènes faussement de nuit, tournées façon nuit américaine mais de manière complètement exagérée. Même pour la pellicule ou la photographie, Hazanavicus a cherché en tant que chef d’orchestre a collé à ces ambiances désuètes, sans pour autant les plagier. Bien au contraire, c’est pour mieux souligner toute l’absurdité de OSS 117 et de son humour.


Les reconstitutions sont d’ailleurs crédibles, les costumes semblent d’époque. A l’intérieur de ceux-ci, une tripotée d’acteurs, dont Bérénice Béjo, Aure Attika ou Philippe Lefebvre. Les rôles autres que français sont d’ailleurs joués par des acteurs du pays dont il est question et où il leur a été demandé d’exagérer leur accent pour mieux se moquer des vieilles productions d’antan.


Tout ce monde semble s’amuser, probablement conscients qu’un tel projet ne leur est pas proposé régulièrement. Une suite verra tout fois le jour en 2009, et encore une autre en 2021 mais sans Michel Hazanavicus. Dans un paysage audiovisuel français où la comédie française est un peu à la peine, la proposition d’OSS 117 si elle n’est pas encore pleinement réussie dans ce premier volet, est originale dans son ton taquin.

SimplySmackkk
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le 23 avr. 2024

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