Au vue du succès de Rio ne répond plus (plus de 2,5 millions d'entrées), un troisième OSS 117 avec Jean Dujardin était une évidence. Pourtant le premier tour de manivelle n'a été fait qu'en 2019 et sans Michel Hazanavicius à la réalisation. Le réalisateur des deux premiers films avait pourtant une idée pour une suite avec un OSS 117 plus vieux et bedonnant en Afrique. Le projet final se rapproche de cette idée, même si Jean Dujardin n'est pas maquillé en homme d'un certain âge, bien qu'on lui suggère plusieurs fois qu'il est d'un autre temps, âgé ou un peu trop vieux pour ces conneries (notamment dans une scène où le flingue est particulièrement long à la détente).


Pourtant le projet n'avance pas, non seulement parce qu'Hazanavicius travaille désormais sur des films très éloignés de la comédie d'espionnage (The Artist, The search ou Le redoutable), mais aussi car il n'a jamais eu le déclic (*). Les producteurs Eric et Nicolas Altmayer veulent à tout prix un nouvel OSS 117 et demande au co-scénariste Jean-François Halin d'écrire un premier jet tout seul. Hazanavicius n'apprécie pas du tout le scénario qui se rapproche beaucoup trop des premiers films. De même, il semblerait que les relations entre Dujardin et lui ne soient plus au beau fixe et finalement le réalisateur laisse sa place à Nicolas Bedos.


Si Hazanavicius vient de l'école Nuls, Bedos se révèle beaucoup plus rentre-dedans et les scénarios de ses films ne sont pas son fort. Cela se confirme à nouveau ici, bien qu'ironiquement il ne soit pas crédité scénariste. Ainsi, certaines allusions sont trop insistantes au point d'être lourdingues. Toute une séquence montre Hubert Bonisseur de la Bath donner des fessées à ses collègues quand il leur dit bonjour. Si la scène veut bien montrer à quel point notre joyeux luron est toujours aussi macho, en revanche elle en devient pénible lorsque les plans fesses se cumulent jusqu'à plus soif. Certains en auraient mis deux ou trois pour faire comprendre la chose, ici on est sur une dizaine et plus. Il en est de même pour Pierre Niney qui boit de l'eau ou de la fameuse séquence dites à la Renny Harlin certes très drôle, mais dont la fausse-attente est un peu trop étirée.


Il y a donc à la fois des défauts d'écriture et de réalisation qui persistent, ce qui n'empêche pas de bonnes choses. Le générique délaisse le style classieux type James Bond avec Sean Connery pour un style plus pop digne des Bond de Roger Moore. Ce qui tombe bien, puisque cet OSS 117 se rapproche pas mal de ces films par le côté vieux du héros, le fait que ce soit souvent les autres qui fassent l'action plutôt que lui, les 80's sur fond de Guerre Froide et l'aspect un brin kitsch de cette période. D'ailleurs, la chanson From Africa with love interprétée par Indy Eka se révèle plutôt classe, à l'image de la musique signée Bedos et Anne-Sophie Versnaeyen.


OSS 117 reste également un personnage génialement stupide, dont l'attitude déplorable est toujours source de jugement et non de sympathie. Homme du passé peut-être, mais toujours aussi misogyne, inculte, raciste même s'il fait des efforts pour ne pas se faire taper sur les doigts. Mal mais il essaye. Son attitude avec le groom (Ibrahim Koma) se retourne contre lui. Les africains s'amusent plus généralement de son racisme pour le faire arrêter, l'enlever ou parvenir à obtenir son aide dans leurs desseins (révolutionnaires ou dictatoriaux).


Les films de Michel Hazanavicius se terminaient sur un happy end où le héros aussi imbécile soit-il arrivait à ses fins, à la fois en battant le méchant, mais aussi en parvenant à charmer sa complice. Ici c'est tout le contraire. Non seulement le sort de l'acolyte est d'une crudité affolante (c'était pas Flocon), mais la conclusion est un pied de nez délirant, déjouant les pronostics (même si cela est tempéré quelques minutes plus tard). C'est peut-être à ce niveau qu'Alerte rouge en Afrique noire se montre le plus mordant avec des gens pensant gagner alors qu'ils se font tourner en bourrique, le tout alimenté par un idiot du village allant toujours aussi loin dans l'indécence.


Dujardin prouve qu'il tient toujours son personnage malgré l'absence d'Hazanavicius, s'amusant clairement avec 117 que ce soit en petit génie de l'informatique, en roi de la Renault ou en champion du rire gras. Pierre Niney fait du Pierre Niney, ce qui peut vite agacer (son sort n'en devient que plus génial). Fatou N'Diaye est convaincante en révolutionnaire ne savant pas se positionner sur le cas Hubert. L'ironie du sort veut que le second successeur de Claude Brosset soit également décédé depuis le tournage. Wladimir Yordanoff se révèle formidable dans son dernier tour de piste, succédant brillamment à Brosset et Pierre Bellemare.


Si Alerte rouge en Afrique noire est clairement moins bon que ses aînés, il n'en reste pas moins une comédie d'espionnage divertissante et ne démérite pas.


Borat8
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le 17 août 2021

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