Depuis quelques temps on sentait chez Darren Aronofsky une envie de quitter le cinéma indépendant un temps pour tourner un film à grands spectacle. Pressenti sur Wolverine, le réalisateur a préféré resté écarté d'Hollywood et gardé son statut d'indépendant pour adapter sa propre BD adaptée elle-même du passage sur le Déluge de l'Ancien Testament. Aronofsky a-t-il gardé son génie ou s'est-il empêtré dans un cinéma d'action sans grand intérêt ?
Dans l'Ancien Testament, le Déluge concerne à peine deux pages et demi. Aronofsky en a fait un film de plus de deux heures, c'est dire le monstre littéraire qu'est la Bible. Noé ne transcende pas l'histoire contée dans la Bible, il la raconte même très fidèlement, sans oublier un rappel des passages précédent, Adam et Eve, Caïn et Abel etc... Le film d'Aronofsky est d'abord une très belle mise en image de ce passage ô combien crucial de la Bible. La prouesse est d'en avoir fait une histoire crédible.
S'attaquer à la Bible, c'était une entreprise pour le moins risquée, voire casse-gueule. Elle a cependant été parfaitement maîtrisée par Aronofsky. Avec seulement deux pages et demi, le cinéaste réussit le pari de donner vie au mythe de Noé en y créant tout un univers visuel fantastique. Avec ses airs d'heroïc-fantasy, le film est formellement un bijou, révélant un réalisateur aussi à l'aise dans le film fauché que dans celui à gros budget. Aronofsky a donc pris ses aises avec l'Ancien Testament, mais dans quel but ? Pas de panique, le réalisateur de Pi en a encore dans le ciboulot.
Même s'il adapte fidèlement le passage du Déluge, Aronofsky le prend sous un angle intéressant. Évidement l'arche de Noé a été construite pour sauver les animaux et faire perdurer leurs espèces. Aronofsky s'interroge sur la place de l'homme dans cette Arche. Devait-il être sauvé ou non ? Ce qui semblait évidemment ne l'est en fait pas du tout. En faisant de Noé un personnage ni noir ni blanc (porté par un Russell Crowe magistral), Aronofsky s'interroge sur l'humain en général, un être égoïste par nature. En cela Noé n'a rien d'un film religieux, et devrait d'ailleurs faire couler beaucoup d'encre. Aronofsky a eu l'intelligence de se réapproprier la légende.
Adaptée de l'Ancien Testament, l'histoire de l'Arche de Noé nous rappelle à quel point la Bible est un matériau de pensée formidable qui, en deux pages et demi, réussit à poser des questions existentielles sur notre existence. Se le réapproprier pour un film à grand spectacle n'est pas tâche aisée, on ne peut alors que saluer la réussite de Darren Aronofsky.