Noé par Math Gal

Lors des projections tests aux États-Unis en octobre dernier, les communautés chrétiennes ont jugé la prestation de Russell Crowe trop sombre et trop violente pour le personnage de Noé. Craignant un flop au box office malgré un budget de 120 millions de dollars, la Paramount a voulu modifier le montage final ce qui n'était pas du goût du réalisateur affirmant :

si polémique il y a, c'est parce que les gens ont peur de l'inconnu et qu'ils craignent les adaptations d'épisodes bibliques. Tout cela disparaîtra dès qu'ils verront le film.

Au final, la Paramount, sous la pression de The National Religious Broadcasters, une association chrétienne internationale influente fondée en 1944, a communiqué un message d'avertissement :

Ce film est inspiré de l'histoire de Noé. Si l’œuvre autorise quelques libertés artistiques, nous pensons qu'elle reste fidèle à l'essence, aux valeurs et à l'intégrité de cette histoire fondamentale pour des millions de croyants. L'histoire originelle de Noé peut être lue dans la Genèse.

Affirmant ainsi qu'il s'agissait plus d'une œuvre de création que d'une adaptation littéraire.

Ceci étant dit, passons maintenant à la critique. Darren Aronofsky a déclaré au magasine Coté Ciné qu'il a dû interpréter quelques passages par rapport aux textes de la Bible mais que dans l'ensemble, tout était fidèle. Comme je n'ai jamais lu un passage biblique, encore moins l'histoire de Noé, je ne peux pas dire ce qui a été interprété ou non.

Alors comment Aronofsky a-t-il fait un film de 2 heures avec si peu d'informations d'autant plus que dans le texte original, Noé ne parle jamais ?

Pour cela, Aronofsky a fait travailler son imagination. Dès les premières scènes, on peut apercevoir une espèce animale méconnue : une sorte de chien avec des écailles que Noé, dont on découvre au passage son côté écolo, tente de sauver de méchants chasseurs. C'est donc tout naturellement que le ''Créateur'' comme ils l'appellent, fait appel à Noé pour sauver d'une inondation chaque espèce vivante (fleurs comprises) sur une arche qu'il devra construire pour ainsi laisser le Créateur punir les Hommes pour avoir détérioré la Terre. Pour cette tâche, Noé, sa femme, ses trois fils et sa fille adoptive seront épaulés par les Veilleurs, jadis des anges tels qu'on les connaît, maintenant déchus, privés de leurs pouvoirs et transformés en monstres de pierre pour avoir aidés les Hommes contre l'approbation du Créateur. Mais tout le monde ne le voit pas de cet œil, le roi (ou plutôt le tyran) monte une armée pour prendre le contrôle de l'arche et sauver sa peau. Une guerre et une inondation plus tard et après de nombreuses péripéties dans l'arche dont un Noé qui rappelle un certain Jack Nicholson dans Shinning (pétage de plomb en perspective et sur ce point je rejoins les groupes de chrétiens qui trouve le rôle de Russell Crowe trop sombre et violant pour un personnage biblique), nous arrivons à une happy-end.

Parlons-en du rôle de Russell Crowe. Il apparaît comme quelqu'un d’énigmatique et froid, n'ayant aucune pitié pour l’espèce humaine allant jusqu'à tuer tous les hommes qui s'approchent de l'arche sauf pour sa famille dans un premier temps. Une fois dans l'arche, il se mut en un assassin prêt à tuer sa descendance pour des raisons que je vous laisse découvrir. Après ça Noé devient alcoolique et ivrogne. Ça interpelle, surtout venant d'un personnage biblique considéré comme un patriarche dans certaines religions. Quant aux autres acteurs, à savoir Jennifer Connelly dont c'est la deuxième collaboration avec Darren Aronofsky après Requiem for a Dream, Emma Watson qui a très bien su rebondir depuis quelques années après Harry Potter et Anthony Hopkins dans le rôle d'un Mathusalem un peu sénile. Chacun joue respectivement la femme, la fille adoptive et le grand-père de Noé. Plutôt bons dans leur rôle, faisant leur job sans trop de fausses notes. Pour ce qui est des acteurs qui tiennent les rôles des fils de Noé, Shem, Ham et Japhet joués par Douglas Booth, Logan Lerman et Leo McHugh Carroll plutôt habitués à des ''petits'' rôles ou à des seconds rôles (sauf pour Logan Lerman qui tient le rôle de Percy Jackson dans le blockbuster du même nom). Peu charismatiques, très peu de dialogues et ne faisant pas tellement avancer l'histoire mise à part pour Ham qui pète un câble pendant un temps avant de partir en exode pour chercher une femme une fois la terre ferme sous ses pieds et après avoir vu son père ivre, à poil dans une grotte. Cependant, dans la Genèse, après que Noé ait trop bu et se retrouve nu dans sa tente, Ham le voit mais pas ses frères qui le rhabillent en lui tournant le dos. A son réveil, Noé maudit Canaan, le fils de Ham et le déclare serviteur de Shem. Énorme différence donc entre l'histoire originale et le film contrairement à ce qu'Aronofsky affirmait.

Mais là où Aronofsky est bon, c'est dans certaines séquences. Par deux fois, il nous en met plein les yeux. La première fois, il met en image, d'un point de vue biblique, la création de notre planète ainsi que l'évolution de l'espèce humaine. C'est beau, c'est poétique, c'est épic. La seconde, il s'agit de la naissance d'un ruisseau et de la vie qui s'y développe autour en faisant défiler les décennies en accéléré. Mais il y a aussi des ratés comme ces représentations d'Adam et Eve toutes en lumière et en couleurs criardes avec un serpent totalement foiré et ce plusieurs fois dans le film.

Malgré la prestation plutôt correcte du casting et certaines scènes franchement réussies, le film Noé se perd dans son coté trop épic et le manque de charisme et d'intérêt de certains personnages principaux ainsi que des scènes kitschissimes qui font tâches dans ce qui est le plus gros blockbuster que Darren Aronofsky ait mis en œuvre et celui qui a fait le plus de polémique chez les religieux.