Attention, je spoile carrément, je vais pas foutre toute la critique sous balises spoiler.
Si tu veux rien savoir, arrête là la lecture.


Alors, la première bonne chose qui saute aux yeux, c'est le montage. Ce n'est pas tout à fait chronologique, et la première partie suit à la fois l'acte et la préparation, même si la rencontre des 9 personnages ainsi que la préparation des attentats ne sont à mon goût franchement pas assez développés.


Et c'est justement là que ça peine. Car j'ai un peu eu la sensation de voir deux films différents. Je m'explique.


Le film comporte deux parties distinctes. La première, qui regroupe comme je le disais la préparation et l'action, et la seconde dans laquelle cette bande de jeune se cache dans un grand magasin commercial afin d'attendre que la situation se tasse au dehors.


Dans la première partie, on découvre 9 jeunes ultra préparée. Ils possèdent des armes, n'hésitent pas à les utiliser pour abattre froidement, ont quelqu'un qui bosse à la sécurité de l'immeuble où ils veulent faire l'attentat, ont rendez-vous avec le ministre qu'ils veulent assassiner, ont des badges pour entrer, connaissent la configuration des lieux (même celui du ministère), ... Et puis leurs trajets semblent préparés à la minute près, ce qui nous donne cette première demi-heure quasi sans parole, où on voit les 9 jeunes aller dans tout Paris, se croiser dans les transports, comme une sorte de chorégraphie macabre superbement orchestrée. Et oui, ces scènes sont fabuleuses.


Mais mis à part ça, on n'en saura pas plus sur les raisons de ces attentats. Le débat qui a suivi la projection a permis à plusieurs personnes (dont Pierre Murat, critique chez Télérama) d'expliquer que selon elles c'est justement ça qui fait la beauté du film : ce manque d'explication, cette incompréhension totale. Alors j'entends l'argument, et je le comprends, moi aussi j'aime bien quand un réalisateur n'explique pas tout, et qu'on doit soit faire avec, soit chercher à comprendre via des éventuels indices disséminés ça et là.


Mais ici, ça ne tient pas debout, ça semble artificiel, comme l'a évoqué quelqu'un au micro lors du débat. Ca ne tient pas debout pour deux choses : les attaques sont ultra préparées, comme je le disais, mais elles sont également visées. Un banquier d'HSBC est assassiné, tout comme le ministre de l'intérieur (qui s'appelle ici Eric Estrosi, un mélange entre Eric Ciotti et Christian Estrosi ?), de plus les protagonistes font des références à la Bastille, à la Lybie, à l'utilisation d'enfants au Moyen-Orient pour déminer des terrains, ... Ils diront même plus tard qu'ils auraient plutôt dû attaquer Facebook et le MEDEF. Des choses sans rapport mais qui donnent quand même l'illusion d'un acte militant politique.


Et puis arrive la seconde partie, l'attentat est fait, ça a pété de partout, l'état d'urgence est déclaré, et les jeunes après avoir jetés armes et téléphones se cachent donc dans un grand magasin pour la nuit - grâce à un complice qui bosse en tant que vigile dans ledit magasin - dans l'idée de rentrer chez eux le lendemain. Sauf que là, ils ratent absolument tout. La bande super organisée de la première moitié du film disparaît, et on découvre qu'il n'y a pas eu la moindre revendication (ils ont fait ça pour rien). Au lieu d'êtres discrets dans le magasin, ils tuent les autres vigiles, allument les lumières et les escalators, mettent la musique à fond, cassent des trucs, jouent avec tout ce qu'ils trouvent, ... Bref, des gosses dans un énorme magasin pour une nuit entière.


Et pour couronner le tout, y'en a deux qui vont plus loin dans le n'importe quoi. Le vigile complice explique qu'ils peuvent aller où ils veulent sauf dans la salle des luminaires où la vidéo surveillance n'est pas éteinte. Bien évidemment, il faut qu'il y en ait un qui aille jouer au ninja dans ladite salle, un couteau de cuisine dans la main. On voit d'ailleurs bien pendant cette scène, via des gros plans pas très subtils sur les caméras, que la vidéosurveillance enregistre encore.


Et le deuxième cas, c'est un autre personnage qui ne peut pas s'empêcher de sortir du magasin via une porte de service, pour aller se griller une clope. Et va même déambuler un temps dans la ville, croisant plusieurs bagnoles de flics (c'est quand même le bordel dans tout Paris suite à leurs attentats), et proposant même à un SDF de venir avec sa femme boire et manger à volonté dans le magasin.


Alors toute cette deuxième partie, quoique longuette à de maintes reprises, est plutôt intéressante. Et je dois bien avouer que c'est tentant de s'amuser et de faire n'importe quoi en se retrouvant dans un si grand magasin pour toute une nuit, sauf que là ça ne colle pas avec la première partie, c'est un tout autre film, qui ne parle plus de colère, de révolte (et d'attentats), mais de jeunesse, de poésie, de liberté, d'indépendance, d'insouciance, ... Si le réal voulait faire un film où des jeunes s'éclatent dans un magasin, il n'avait pas besoin de trouver le prétexte des attentats.


Bon, pour finir, parce que ce pavé commence à devenir bien trop long, parlons de la dernière scène, la plus réussie selon moi. Avec toutes leurs conneries, bien évidemment ils finissent par se faire repérer. Et ils s'en rendent compte, la téloche diffusant des images de nuit du magasin où ils se trouvent. Les flics entrent donc dans le magasin et zigouillent tout le monde, sans aucune sommation, avec une telle violence (méritée au vu de leur acte ?). Un intervenant expliquera pendant le débat que ce genre de situation, quoique rare, peut être réaliste, dans un tel cas d'attentat non revendiqué. Les terroristes deviennent alors ennemis d'état, et la négociation n'est plus obligatoire.
Ce qui est formidable dans cette dernière scène, c'est que la violence n'est pas outrancière (elle en est presque magnifiée). Pas d'incroyables effusions de sang, pas de déchirement morbide, on voit juste chacun des protagonistes se faire exécuter les uns après les autres, en silence, dans l'obscurité, dans une mise en scène plutôt vertigineuse. Réellement, c'est assez malsain - on a fini par avoir un peu d'empathie pour cette bande, et l'on espère à chaque exécution que le jeune va s'en sortir - mais c'est beau.


Alors à part pour l'aspect esthétique de sa mise en scène, surtout dans la première demi-heure et les dernières scènes d'exécution, le film n'a pas grand intérêt. Et son point même de départ ne tient pas debout.

Roulie_Luc
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le 24 janv. 2017

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Roulie Luc

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