Il faut passer outre une bande annonce racoleuse et survoltée qui peut laisser croire à un thriller nocturne joué par Nicolas Cage.
Ce film est stupéfiant.
Dès les premières images (bien loin de ce que laissait supposer le pitch annonce).
Jake Gyllenhaal est époustouflant dans un rôle où, une fois encore, il semble avoir une grosse araignée dans le plafond.
Le voici en obsessionnel névrosé, à prêcher des sentences commerciales pêchées sur le ouèbe. Une sorte d'alien croisé entre une directrice marketing et un organisateur de l'ANPE. Sauf que tout cela est plus vrai que nature et que l'on se surprend plusieurs fois à se dire ... qu'on aurait bien pu dire cela nous aussi. Car c'est un miroir (à peine déformant) que nous tend Dan Gilroy.
La peinture (à peine critique) de notre société est féroce, décapante, sans appel.
Et encore faut-il bien noter que tout cela, Lou Bloom, le personnage joué par Gyllenhaal, l'a appris par hasard : ce n'est pas un machiavélique voyeur obsédé par la télé-réalité, non, Lou Bloom est juste un gars qui apprend vite, très vite. Et plongé dans notre société à côté de laquelle la jungle amazonienne fait figure de verte prairie, Lou Bloom apprend très vite à tirer son épingle de ce jeu sauvage qui est le notre.
C'est toute la force du propos de ce film : rien ne prédestinait ce gars-là à trimballer sa caméra vidéo dans les rues de LA. C'est juste qu'il a vite compris ce dont nous avions besoin.
La scène la plus terrible est sans doute celle où Lou Bloom parcourt les couloirs des studios télé, imbu de sa toute nouvelle réussite, en saluant tout le monde d'un sourire enfin satisfait : parti de moins que rien, il a compris mieux que tout le monde ce dont la télé et ses téléspectateurs (et donc les producteurs rivés à l'audimat) avaient besoin.
Il lui manque juste une petite case à cet alien qui nous ressemble trop : celle ou siègent les états d'âmes, la conscience et la morale. Une toute petite case qui malheureusement ne suffit pas à en faire un monstre 'autre' et étranger. Non le miroir est à peine déformant, en tout cas pas assez pour que l'on se sente à l'aise dans son fauteuil. Dérangeant.