Je peux remercier le festival Hanabi pour la diffusion chez moi de ce film qui n'était auparavant passé que dans une poignée de cinémas, en même temps que Endgame. C'est rare d'avoir chez nous du cinéma japonais de genre qui ne soit ni de l'animation, ni issu d'un réalisateur connu, donc on peut aussi remercier le tout nouveau distributeur français Les Films de Tokyo. Apparemment cette société a été fondée exprès pour diffuser ce film et ce dernier est un succès surprise : c'est un film de fin d'études initialement diffusé dans 2 salles au Japon avant de se retrouver à faire 300 salles complètes pendant plus de 2 mois avec plus de 1,5 millions de spectateurs. C'est un peu le phénomène de foufou.


La base est simple : un film de zombie fauché ne se passe pas très bien, le réalisateur est exigeant tandis que l'actrice principale ne lui donne pas satisfaction. Soudain de vrais zombies arrivent et le réalisateur y voit une opportunité de faire le cinéma qu'il voulait. Un point de départ qui n'est plus si original de nos jours mais qui peut toujours déboucher sur un résultat fun. Il y a déjà la réalisation qui se montre tranchée : l'image est très crade comme celle d'un caméscope, le son est sale avec une réverbération marquée et le décor ressemble à une zone à urbex qu'on filme parce qu'il n'y a personne pour nous dégager. Ça sonne amateur tout en rendant l'ambiance bien plus anxiogène que ce que l'on aurait eu avec une technique plus soignée, comme les jeux d'horreur de l'ère 64 bits qui se montrent dérangeants avec leurs graphismes inconfortables. Mais quand l'amateurisme se remarque aussi par des techniques très grossières et des jeux approximatifs on finit par ne plus prendre le film au premier degré : on assume que ce que l'on voit est fait à la manière d'une vidéo d'étudiants amateurs qui veulent se marrer, de la même manière que Tarantino et Rodriguez ont fait leur Grindhouse mais avec une imitation plus fidèle et radicale. Cependant cet exercice de style manque affreusement d'originalité, c'est souvent très laborieux pour rien, le côté found-footage est très artificiel et il y a beaucoup de choix assez incompréhensibles, mais on retrouve ce plaisir d'assister à une sorte de suédage dans une zone abandonnée. En prime on sent que l'équipe s'est bien investie : il y a du gros plan-séquence et même si on ne croit jamais au récit filmé (style amateur oblige) le désir de cinéma est palpable tandis qu'on veut féliciter le vaillant caméraman. C'est méga boiteux et quelqu'un a soupiré dans la salle, mais il y a une certaine vivacité qui fait plaisir. C'est mignon au second degré quoi, même si ça ne vole vraiment pas haut il y a une sincérité qui donne envie d'être indulgent envers cette bande de potes, comme quand on regarde un film d'action ougandais à 200$ de budget.


Et puis il y a une suite qui se montre très maligne et devant laquelle la salle s'est vraiment fendu la poire, y compris le spectateur qui soupirait tantôt. J'ai eu peur que ça n'aille pas loin, il n'en fut rien. C'est là que le film devient un pur morceau de bravoure. Non content d'enchaîner les séquences épiques, il les met en phase avec un discours bien vu sur les dessous du spectacle et qui parlera beaucoup aux gens ayant soit fait du théâtre, soit fait de la vidéo (j'ai fait les deux, ça sublime l'expérience). J'ai trouvé ce système bien mieux fait que son équivalent du Mademoiselle de Park Chan-Wook, évitant la redondance que l'on aurait pu craindre et offrant 10 millions de détails cachés à savourer. La mise en abîme était attendue mais sa saveur dépasse ce que j'imaginais.


J'en espérais beaucoup tout en en sachant le moins possible et j'ai quand même pris mon pied, une vraie bonne pioche pour les amateurs de tournage de l'extrême.

thetchaff
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le 12 juil. 2019

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thetchaff

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