On aurait dû faire un calendrier à 5 jours

Des mini-divulgâcheurs se sont glissés dans cette critique en se faisant passer pour des lignes normales. Mais ils sont petits, les plus tolérants pourront les supporter.


Seven Sisters est l'exemple type du film qui va attirer autant par son pitch que par son casting. Dans une dystopie qui interdit d'avoir plus d'un enfant pour lutter contre la surpopulation, Willem Dafoe essaie de sauver les septuplés de sa fille morte en les faisant passer pour une seule personne. On a donc 7 Noomi Rapace dans le film, c'est déjà un bon argument. Et pour qu'elles ne se fassent pas attraper par la police elles doivent ne sortir dans le monde extérieur qu'une seule à la fois, chacune au jour qui lui est attribué. Mais lorsque la dénommée Lundi disparaît, ses sœurs se trouvent désemparées et doivent comprendre ce qui lui est arrivé. Et survivre aussi, parce qu'il y a des méchants et de la bagarre.


Le film est donc un thriller d'action. N'espérez pas trop une œuvre d'anticipation qui en dise long sur l'humanité, ce n'est pas le propos. On aura quand même quelques trucs à grignoter de ce côté là : le discours culpabilisant des méchants qui reprochent aux héroïnes d'exister est d'une ignominie éloquente, ils glissent d'ailleurs l'idée d'utiliser leur politique d'enfant unique pour faire disparaître les pauvres en les empêchant de procréer. De leur côté les 7 Noomi Rapace ont une règle qui exprime clairement le discours du réalisateur : elles peuvent exprimer librement leur personnalité dans leur abri, mais dehors elles doivent toutes se conformer au même moule en refoulant leur vrai comportement. Le réalisateur appuie ça avec de bonnes images de foules compactes où elles doivent se fondre, il rappelle également ce thème aux moments où l'on pensait l'avoir assimilé. C'est plutôt bien vu, mais le film pêche par un manque d'imagination dans le traitement de sa dystopie. Vous aurez donc de nombreuses affiches de propagande vintage à la Bioshock, des gens qui continuent de se poser des questions 30 ans après que la loi ait été adoptée, le classique passage de la rafle en public en début de film qui ébranle l'héroïne, des bracelets pour ficher tout le monde à la Minority Report et des hologrammes, parce que si dans 50 ans on n'a pas d'hologramme on a raté notre futur. Il y a toujours ces petits discours que j'ai mentionné plus haut, mais cela demeure peu approfondi car le film veut surtout balancer de l'action.


Il faut alors parler de la réalisation, et je ne suis que faiblement convaincu. Il n'y a pas de grosse erreur, mais c'est un peu fade et calibré. La musique est ok mais générique et a vraiment pour but de surligner l'action sans se rendre plus mémorable que ça. On sent le traitement qui est fait pour se rendre accessible au plus grand nombre avec le minimum d'audace, malgré une violence relative et parfois une certaine cruauté. Les bagarres manquent de clarté, la faute en partie à une lumière très terne qui n'aide pas en intérieur. Cependant c'est parfois assez efficace, je ne me suis pas senti sorti du film sur ce point là. Les course-poursuites sont tendues et les personnages n'y vont pas avec le dos de la cuillère pour survivre. Cela dit ça s'oublie vite sur cet aspect là, c'est de l'ordre du divertissement qui est honnête, parfois un peu plus et parfois un peu moins, mais qui ne tiendra pas trop sur la durée. C'est déjà un peu mieux que pour pas mal d'autres films du genre, mais pas extraordinaire non plus.


Mais il reste le problème du scénario. S'il glisse par moments des idées sympa que j'ai évoquées plus haut, il a aussi pas mal de scories. On peut déjà souligner le côté caricatural du film. Caricature de la dystopie, caricature des méchants (Glenn Close fait peine à voir dans ce rôle grimaçant), et parfois caricature des sœurs. Il y en a une qui est la geek du groupe : elle porte des lunettes à grosse monture, elle est timide, elle se cache sous un gros bonnet en planquant ses mains dans les manches de son pull. C'est celle qui occupe le rôle de geek dans le fauteuil qui guide ses sœurs qui sont sur le terrain depuis son ordi dans sa planque. C'est pourtant un rôle tellement cliché qu'il était évoqué comme tel dans Spiderman Homecoming et Baywatch. On se sent désolé pour Noomi Rapace qui écope d'un personnage aussi peu inspiré et auquel les scénaristes ne s'intéressent pas. Il y a 7 personnages parce qu'il y a 7 jours dans la semaine, mais on sent que ça aurait arrangé certains qu'il y en ait moins. D'une manière générale tout le film vise à la simplification pour cibler un public qui n'a pas envie de réfléchir ou de comprendre le fonctionnement de ce monde sans qu'on lui explicite (presque) tout.


L'accessibilité balourde est une chose, mais les décisions stupides en sont une autre. Je sais qu'il est habituel que les blockbusters fassent des raccourcis, mais vient un moment où il faut arrêter de déconner. Si des gens t'attaquent dans ta planque, tu changes de planque avant qu'ils ne recommencent. Et si tu veux étouffer une affaire en tâchant de ne pas faire de témoin, tu n'envoies pas tes troupes attaquer comme des bourrins dans la rue et tu ne sors pas le lance-roquette. Et si malgré tes soldats sur-entraînés et sur-équipés tu te fais quand même maraver par des civiles dont une seule sait se battre au corps-à-corps, remets tes troupes en question. Là aussi c'est plus ou moins accepté dans les blockbusters d'aujourd'hui, mais faut quand même cacher un peu mieux que ça l'incompétence des méchants qui font parfois très mal les choses.


Il y a d'autres petits soucis dans l'intrigue qui, mis bout-à-bout, finissent par faire beaucoup et noient toute tentative d'émotion du film. Il y a sa structure que l'on finit par deviner et qui rend la suite beaucoup moins forte qu'escompté car prévisible et parfois forcée. D'ailleurs la campagne marketing promettant une fin imprévisible est une vraie blague, la tendance du film à tout expliciter sauf un truc suffit pour comprendre alors que les indices s'accumulent quand même. L'écriture n'a vraiment aucune subtilité, des tentatives de suspense tombent à plat pour des raisons similaires. On nous fait d'ailleurs un truc que je déteste : le sacrifice héroïque qui est parfaitement inutile, bien plus forcé encore que celui de Titanic et sans autre raison que de se débarrasser d'un personnage qui n'intéresse pas les scénaristes alors que sa mort est largement évitable. Et pourtant ils ont l'air d'espérer que je serai touché par cette mort artificielle et vide de sens.


Seven Sisters n'est pas dénué d'attraits, par exemple les fans de Noomi Rapace seront ravis et il y a une poignée de points qui ont attiré mon attention. Je ne me suis pas non plus ennuyé, c'est déjà ça. Mais le film veut tellement rester grand public (en dehors des considérations de violence) qu'il envoie bouler toute finesse de réalisation ou d'écriture et en devient un peu lourd, me laissant loin de ses maigres tentatives d'émotion. Le développement des règles de vie pour permettre aux sœurs de se faire passer pour une seule personne ne dure pas bien longtemps et fait doublon avec un autre film qui affichait la même situation lors d'un twist. J'espérais au moins que l'on exploiterait le fait que leur identité fictive ait une personnalité différente par jour, mais même ça c'est abandonné très vite pour se concentrer sur l'aspect thriller (écoutez donc la fiction audio Schizein pour vous rendre compte de ce que vous loupez). Il ne reste plus qu'un film d'action très banal et moyen, et une dystopie qui ne vous donnera guère envie de vous rebeller.

thetchaff
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le 2 sept. 2017

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